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CAUCHO RETOUR AUX RACINES
IGARAPÉ DO CAUCHO, ACRE, BRÉSIL © NICOLAS CORTES
Les Huni Kuin, dont le nom signifie « les hommes vrais », sont l'un des peuples autochtones les plus nombreux d'Amérique du Sud. Sur les 13 000 membres composant leur ethnie, un millier vivent dans l'Igarapé do Caucho, un territoire situé dans l'État de l'Acre en Amazonie brésilienne, à la frontière du Pérou. Composé de quatre grands villages, ce territoire a hérité du nom de Caucho suite à l'esclavagisme imposé aux peuples autochtones de la région pour travailler dans les exploitations de caoutchouc au XIXème siècle.

Au début des années 2000, les Huni Kuin sont entrés dans « la cinquième étape de leur histoire », celle d'un retour à la forêt et aux traditions. Baptisé « Txina Bena » (la nouvelle pensée), ce mouvement a été initié par le cacique Nasso et les pajés (connus en Occident sous le nom de « chamans ») qui ont décidé de faire revivre leur culture et d'éradiquer les trafics de drogue, l'alcool et la corruption qui gangrenaient leur peuple. Nombre d'entre eux, après avoir tenté leur chance en ville, ont adhéré à ce projet salvateur.

Les pajés qui invoquent Yuxibu, le grand esprit de la forêt, ont joué un rôle primordial en transmettant les contes, l'histoire de leur peuple et les médecines naturelles de l'Amazonie. Mais si la boisson sacrée, dite nixpae (ayahuasca), est redevenue une pierre angulaire de leur communauté, les coutumes ne sont plus tout à fait les mêmes. Les chants traditionnels qui, de manière ancestrale, sont chantés a cappella, sont aujourd'hui accompagnés par des guitares et des djembés. À Caucho, le quotidien s'organise entre traditions et modernité, et les modes de vie continuent d'évoluer. En 2005 par exemple, la religion du Santo Daime est revenue. Née ici, au début du XXème siècle, cette doctrine préservait les rites des peuples autochtones tout en les réconciliant avec la foi chrétienne. Un syncrétisme qui, localement, avait fini par disparaître. En 2012, c'est une église évangéliste qui s'est implantée au cœur du village, interdisant à ses fidèles de consommer certaines médecines naturelles. Dans la pratique, les traditions sont toujours vivaces et la langue ancestrale continue d'unir les Huni Kuin.

Entourées de fazendas vouées au bétail, les familles de l'Igarapé do Caucho sont aujourd'hui menacées par le projet de loi PL490 et « la thèse temporelle » qui ne reconnaît comme ancestrales que les terres qui étaient occupées par les autochtones quand a été promulguée la Constitution, en 1988. Or de nombreuses tribus ont été déplacées au cours de l'histoire brésilienne. Officiellement protégées depuis 1988, les terres des Huni Kuin de Caucho pourraient devenir exploitables, et la forêt dans laquelle ils puisent leur force disparaître. Pire, ce projet de loi réduirait en cendres l'identité d'un peuple déjà déraciné.
LE PHOTOGRAPHE NICOLAS CORTES
De la Guadeloupe en 2017 à l'Indonésie en 2019, de la Cisjordanie à l'Amazonie en 2021, Nicolas multilplie les grands reportages avec un prisme social. En 2020, il rejoint l'agence de presse Zeppelin, et part 5 mois plus tard au Soudan pour faire la lumière sur l'exil des Éthiopiens qui fuient les massacres dans la région du Tigré. En 2022, il s'installe à Beyrouth pour travailler dans le Moyen-Orient. Au début de l'invasion russe en Ukraine, il part couvrir les événements avec la journaliste Inès Gil. De l'ouest à Kiev, ils passent 6 semaines sur place. Après le départ des troupes armées de la capitale, ils documentent le massacre de Bucha.