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BLOB : UN GENIE VISQUEUX TOULOUSE, FRANCE © CHRISTELLE GARRIC / AGENCE ZEPPELIN
Ni animal, ni végétal, ni champignon, le Blob fascine les scientifiques. Au CNRS de Toulouse, l'éthologiste Audrey Dussutour l'étudie depuis des années. Avec son aspect d'éponge visqueuse, il ne semble pas être une « merveille de la nature » et pourtant, c'est un des organismes vivants les plus extraordinaires que les scientifiques aient pu découvrir. Son surnom « Blob » est tiré d'un film d'horreur de 1958 qui met en scène une créature flasque venue envahir la Terre en ingérant ses habitants. Heureusement, celui qui nous intéresse est totalement inoffensif.
Ni animal, ni végétal, ni champignon, le blob fascine les scientifiques. Au CNRS de Toulouse, l'éthologiste Audrey Dussutour l'étudie depuis des années. Avec son aspect d'éponge visqueuse, il ne semble pas être une « merveille de la nature » et pourtant, c'est un des organismes vivants les plus extraordinaires que les scientifiques aient pu découvrir. Son surnom « Blob » est tiré d'un film d'horreur de 1958 qui met en scène une créature flasque venue envahir la Terre en ingérant ses habitants. Heureusement, celui qui nous intéresse est totalement inoffensif.

Logé dans sa boîte de Petri, le Phisarum Polycephalum de son nom scientifique, présente un aspect visqueux singulier qui ne ressemble à rien d'autre. C'est un myxomycète (du grec champignon visqueux), rangé dans le groupe hétérogène des protistes. Affectionnant l'humidité et fuyant la lumière, on peut le rencontrer dans son habitat naturel, généralement des substrats végétaux tels que dans un sous-bois, un jardin de permaculture ou encore sur du compost. Ces endroits sont favorables à son régime alimentaire constitué principalement de champignons et de bactéries.

Au labo, les chercheurs le nourrissent de flocons d'avoine pour des raisons pratiques évidentes. La souche australienne étudiée par Audrey Dussutour est de couleur jaune mais il en existe 1000 espèces différentes de couleurs très variées. Cet organisme unicellulaire apparu il y a 500 millions d'années, présente des capacités tout à fait remarquables et nous interroge sur l'émergence du règne animal et les origines de l'intelligence. Pouvant atteindre 10m², son unique cellule est dite polynucléée, c'est-à-dire constituée de nombreux noyaux. Cette cellule unique dispose de toutes les fonctions, contrairement à l'homme dont les nombreuses cellules ont des fonctions spécifiques dédiées (à la vue, au déplacement, à la mémoire, etc.). D'apparence très primitive, le blob dispose pourtant de 40 paires de chromosomes (contre seulement 23 chez l'homme) et de 34 000 gènes, soit 50% de plus que le génome humain. C'est un organisme bien plus complexe qu'il n'y parait. Plusieurs phases jalonnent son cycle de vie. Sous la forme d'un plasmode (blob), il peut se déplacer à une vitesse oscillant entre 1 et 4 cm par heure et déployer ses pseudopodes dans toutes les directions afin de chercher sa nourriture.

Son système de veines protoplasmiques lui permet d'explorer son environnement et de s'alimenter. Une fois repu et ayant épuisé toute alimentation à disposition, il va vers la lumière et se transforme en sporanges. Ces petites boules posées sur un pied fin sont recherchées par des collectionneurs fascinés par l'étrange. Elles renferment des spores qui, une fois disséminées, pourront créer des oeufs qui feront de nouveaux plasmodes. Le blob a 221 sexes ce qui multiplie grandement ses chances de pouvoir se reproduire. Si l'environnement du myxomycète ne répond plus à ses besoins, il s'assèche et se transforme alors en sclérote dont la forme est plate et orange. Il peut rester de nombreuses années dans cette phase dormante, attendant que l'environnement soit de nouveau propice à son développement. Réactivé par de l'eau et un milieu humide, il reprend alors sa forme de plasmode. Cette formidable capacité de survie lui procure une forme d'immortalité que lui envient d'autres espèces et qui attise la curiosité des chercheurs. Audrey Dussutour nous explique d'autres caractéristiques du Phisarum Polycepharum : « Le blob choisit toujours un régime adapté lorsqu'il est face à différentes sources alimentaires. Il cicatrice en deux minutes lorsqu'il est coupé. Plusieurs blobs mis ensemble peuvent fusionner pour ne devenir qu'un seul organisme. Il est aussi capable de passer par un trou de 1 micromètre de diamètre. L'intelligence est liée à la mémoire, mais comment mémorise-t-il sans cerveau ? La réponse tient dans le mucus que le blob laisse derrière lui. Ce gel qui lui évite la dessiccation, lui sert également de mémoire externe lui indiquant les chemins qu'il a déjà empruntés, lui évitant de repasser dans les zones qu'il a déjà explorées. »

Le blob est aussi un décomposeur-recycleur qui libère les nutriments des bactéries dont il se nourrit. Une autre espèce, le Fuligo Septica possède, quant à lui, une forte capacité à assimiler le zinc. Dépourvu de système nerveux et de cerveau, on parle bien d'intelligence du blob dans la mesure où il est capable de résoudre des problèmes, et présente des capacités d'apprentissage. En effet, les travaux du professeur Toshiyuki Nakagaki, l'expert mondial du blob, démontrent dans un premier temps qu'il est capable de sortir d'un labyrinthe, puis met en évidence sa capacité à créer des réseaux performants en reliant des points reproduisant la carte du Japon où était déposée une source nutritive. Le blob crée un réseau plus efficace que celui du réseau ferroviaire nippon. Ces résultats furent publiés dans la célèbre revue Nature (réf : Toshiyuki Nakagaki, Hiroyasu Yamada and Agota Tóth, « Intelligence: Maze-solving by an amoeboid organism ;», Nature, vol. 407, no 6803, 2000) et récompensés par deux Ig-Nobel en 2008 et 2010. Ce prix, clin d'oeil au célèbre prix Nobel, récompense des recherches insolites mais tout à fait sérieuses. Les recherches d'Audrey Dussutour ont quant à elles, récemment démontré les capacités d'apprentissage du blob. Nommée « habituation », cette forme d'apprentissage durant laquelle il était mis au contact de substances qu'il n'aime pas comme la caféine ou la quinine, a démontré son changement de comportement au fur et à mesure des jours de l'expérience, révélant une nouvelle fois, ses habilités d'adaptation et son indéniable capacité d'apprentissage. L'article sur ces travaux a été publié en 2016 dans la revue The Royal Society. Cette démonstration sur la capacité d'apprentissage des êtres unicellulaires a initié une nouvelle discipline : la cognition primitive.

Ces champs de recherches pourraient nous en apprendre davantage sur d'autres unicellulaires cousins du blob et malheureusement plus connus que lui, comme la maladie du sommeil, la maladie de Chagas ou le paludisme.

Audrey Dussutour a été récompensée par le prix du meilleur article dans The journal of Experimental Biology, le prix Jeune chercheur de la Société française pour l'étude du comportement animal (SFECA) et le prix Wetrems de l'Academie Royale des Sciences de Belgique. Attachée à la communication vers le grand public et à la vulgarisation des sciences, elle participe à de nombreuses conférences et vidéos sur internet tel que son dernier « Dans les Starting Blob », un tutoriel qui explique comment élever son blob à la maison. Elle a également écrit un livre : Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blob sans jamais oser le demander, aux Editions des Equateurs.