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PACCARD LE PORTE-VOIX DES ANGES
SÉVRIER, HAUTE-SAVOIE, FRANCE © ZEPPELIN
Les cloches composent de nombreux paysages comme autant de vibrations singulières. Dans les églises ou les beffrois, dans les salles de vente ou sur les bateaux, elles préviennent et rassemblent. Mais ce patrimoine n'est pas immuable, et il faut compter sur la passion de quelques-uns pour l'entretenir. C'est le cas des Paccard, une dynastie de fondeurs de cloches qui transmettent leur savoir-faire depuis sept générations. Installée près d'Annecy, l'entreprise multiplie les records tout en s'adaptant à la sécularisation de l'Europe. Aujourd'hui, elle réalise 80 % de son chiffre d'affaires à l'étranger, tout en proposant de nouveaux carillons pour le milieu urbain.
1796  LE DÉBUT D'UNE SAGA FAMILIALE
[Paris, France] La plus grosse cloche de France se trouve en la basilique du Sacré Cœur de Montmartre. Elle a été offerte par les quatre diocèses de Savoie suite à leur rattachement à la France en 1860. Baptisé « la Savoyarde », ce bourdon de 19 tonnes a été coulé par la fonderie Paccard en 1891. Installé dans le campanile de 84 mètres de haut, il donne le contre-ut grave et s'entend loin dans Paris.





[Annecy, France] Aujourd'hui installée à Sévrier, la fonderie Paccard participe à la renommée mondiale d'Annecy dont le lac demeure un lieu paisible.


[Annecy, France] Philippe Paccard a pris les rênes de l'entreprise familiale en 1998, incarnant la septième génération de fondeurs. Anne, son épouse, espère bien que l'un de leurs cinq garçons reprendra le flambeau.
LE MOULE  UN PROFIL À LA DEMANDE
[Annecy, France] Lucas décrasse les reliefs d'un moule en argile dont le texte invoque saint Vital à protéger la commune. Si les vieilles cloches constituent un témoignage historique, elles ne peuvent pas sonner éternellement. Les nouvelles cloches d'église entretiennent le savoir-faire et sont résolument inscrites dans le présent. Sur celle-ci on peut lire : « J'ai été refondue en 2020, l'année de l'épidémie de la Covid-19. »





[Annecy, France] La plupart des cloches sont issues de profils pré-établis. Ici, sur une de ces « fausses cloches », David colle les inscriptions et les motifs en cire choisis par le commanditaire.


[Annecy, France] La fausse cloche est recouverte d'argile et de chanvre. Elle mise à cuire pour qu'une carapace se forme au dessus des ornements en cire bientôt fondus. Cette chape devient la partie supérieur du moule.


[Annecy, France] Retournée, la fausse cloche est comblée de sable et de résine pour former la partie intérieure du moule. Au premier plan, Cécilia utilise le même principe pour réaliser de petites cloches.


[Annecy, France] Constitué de sable et parfois de briques, le noyau est lissé avec un enduit fixé par combustion. Avant cette étape, le moule est aminci pour permettre l'accordage de la future cloche.
LE BRONZE  UNE COULÉE À 1200°C
[Annecy, France] Les fondeurs conduisent la coulée d'une cloche de quatre tonnes. Ici, le moule a été érigé dans une fosse pour faciliter son remplissage.





[Annecy, France] Une cloche est constituée de bronze, c'est-à-dire un alliage de cuivre et d'étain. La proportion d'étain s'élève à 22 % pour assurer la résistance mécanique et la qualité acoustique. Ici devant le stock de bronze, soit 6 tonnes en lingots, David verse des paillettes de cuivre. Ajoutées dans le four, elles permettent de compenser la perte du cuivre dont le point d'ébullition est légèrement inférieur à celui de l'étain.


[Annecy, France] L'alliage doit atteindre 1200°C pour une coulée optimale. Ici, un fondeur exécute un barbotage d'azote pour affiner le métal en fusion. Le gaz injecté permet de faire remonter les scories à la surface et de les écrémer. Puis il ajoute du phosphore pour soustraire les derniers oxydes qui risqueraient d'altérer la qualité du bronze. Enfin, il plonge un thermocouple pour vérifier la température.


[Annecy, France] Convoyé sous un pont roulant, un godet est incliné par deux fondeurs pendant qu'un troisième repousse « la crème » du magma. Il est versé dans le moule serti dans un châssis métallique. Les fondeurs prévoient toujours un peu trop de bronze dont ils récupèrent l'excédent dans de petits moules (ici à gauche).


[Annecy, France] Protégés de la chaleur éblouissante et des éclaboussures, deux fondeurs déversent le bronze en fusion. À droite, les gaz enflammés s'échappent par les évents du moule. Leurs combinaisons sont aluminisées et leurs visières filtrent les rayonnements ultraviolet et infrarouge.
UNE NAISSANCE  UN HARMONIQUE
[Annecy, France] Le fond d'un godet est curé avant que le bronze ne refroidisse.





[Annecy, France] Miguel « décoche » les anses à l'aide d'un marteau-piqueur, mais les premiers tintements de la cloche n'augurent rien de sa musicalité.


[Annecy, France] Quelques heures après la coulée, Cécilia démoule les petites cloches encore tièdes. Elle emploie une massette pour casser l'argile et le sable.


[Annecy, France] Avant d'être polie, la cloche doit être sablée pour désincruster les petits reliefs.


[Annecy, France] Cécilia dépose du nitrate de cuivre sur une cloche brûlante pour la teinter en vert. Diverses finitions sont ainsi proposées.


[Annecy, France] Une cloche doit sonner juste. Pour le savoir, Lucas cogne l'instrument avec une vulgaire clef de serrage : les fréquences sont renseignées par un diapason électronique qui indique la fondamentale et les harmoniques.


[Annecy, France] L'accordage consiste à affiner la couche de métal pour remonter la note au plus juste. Ici, Khalid commande une machine pour entamer le bronze qui tombe en copeaux. Pour assurer cette opération, le moule avait été préalablement épaissi.


[Annecy, France] Cyril développe une sculpture musicale baptisée « Ars sonora ». Héritier des carillons dans les beffrois, ce nouveau concept mobilise plusieurs dizaines de cloches pour sublimer le milieu urbain, comme à Châtel ou à Notre-Dame-de-Bondeville.


[Annecy, France] Lucas teste la tonalité des cloches destinées à un carillon. Plus leurs masses augmentent, plus elles sont graves, mais c'est surtout la tierce mineure qui leur confère ce timbre si particulier, un peu mélancolique.
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LES PHOTOGRAPHES ZEPPELIN
Géographes et photojournalistes, Bruno VALENTIN et Julien PANNETIER ont fondé ZEPPELIN en 2008. Ils voyagent pour comprendre comment les Hommes gèrent et utilisent l'espace. Ils travaillent main dans la main pour réaliser des reportages et les proposer à la presse française et internationale. Du golfe du Bengale à l'aiguille du Midi, des moines de la Grande Chartreuse aux officiers de la Marine nationale, ils signent toutes leurs images ZEPPELIN.