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L'OR DE BANTACO LES POUSSIÈRES DU MALHEUR
BANTACO, RÉGION DE KÉDOUGOU, SÉNÉGAL © ANTOINE MERLET / AGENCE ZEPPELIN
Avril 2024, 45°C à l'ombre. Des seaux remplis de pierres sont hissés à la surface. Un butin chargé d'or qu'il a fallu extraire jusqu'à 200 mètres de profondeur. Il y a une dizaine d'années, 15 mètres suffisaient, mais les mineurs de Bantaco n'ont cessé de creuser depuis. Seule la saison des pluies arrête leurs activités poussiéreuses. Mais le fleuve continue de charrier du mercure, et les enfants de quitter l'école vers 10 ans. Terrible destin que celui de ces mineurs venus de loin pour gagner leurs vies. Tandis que les corps meurtris, les troubles pulmonaires et les maladies anonymes se multiplient, cette contrée toxique est maintenant rejointe par des industriels chinois pris de la même fièvre.
[Bantaco, Sénégal] Les tornades ne sont pas rares dans cette région du Sénégal. Si chaque épisode ne dure localement qu'une trentaine de secondes, il emporte toute la poussière et les ordures qui traînent dans les rues de Bantaco.





[Bantaco, Sénégal] La grande route reliant Kédougou à Dakar avait été goudronnée en 2012, mais les malfaçons ont conduit à la destruction de nombreux tronçons, obligeant les véhicules à emprunter des pistes. De Kédougou de Bantaco, la route ne se fait plus que par des chemins de terre, soit une heure à conduire dans un sempiternel nuage de poussière, quasiment irrespirable.


[Bantaco, Sénégal] La région de Kédougou a été complètement bouleversée en l'espace de 10 ans, et la production d'or en est la cause principale. En effet, une centaine de sites pratiquent l'orpaillage et tous concassent du minerai, ce qui amène énormément de poussière. Très fine, elle s'envole facilement et se dépose partout, des feuilles d'arbres jusqu'aux poumons des mineurs.
[Bantaco, Sénégal] Oussman Kanté (à gauche), Sénégalais, milite pour protéger la forêt qui borde son village. Un peu partout, des charbonniers s'emploient à couper de grosses bûches de bois dur, à les recouvrir de sable et à y mettre le feu. Six semaines d'un travail dangereux sont alors nécessaires pour réaliser une « fournée ». À droite, l'homme est venu du Mali pour subvenir aux besoins de sa famille. Ses opportunités étant limitées, il s'est tourné vers le charbon qu'il vend à Kédougou et aux sites d'orpaillage. Sa production étant illégale, il arrive qu'elle lui soit entièrement confisquée par la police.





[Bantaco, Sénégal] Trajet à moto dans l'une des forêts de la région de Kédougou où la déforestation est importante.


[Bantaco, Sénégal] Un homme se tient debout sur un tas de bois prévu pour étayer les mines d'or de Bantaco.
[Bantaco, Sénégal] Au fond de chaque puits de mine descendent entre 4 et 6 personnes. Elles travaillent pendant près de 5 heures d'affilée avant de remonter et de se faire remplacer par une autre équipe. La profondeur varie de 15 à presque 200 mètres. Si la loi les oblige à ne pas creuser à plus de 15 mètres, certains puits atteignent presque les 200 mètres. En douze ans, sur les mêmes puits, les mineurs ont généralement creusé plus de 120 mètres à la verticale.





[Bantaco, Sénégal] Un homme remonte de la mine où il a travaillé 5 heures d'affilée. Fatigué et essoufflé par la remontée, il ira se baigner dans le fleuve Gambie pour se nettoyer et se reposer. Une autre équipe s'apprête à lui succéder.


[Bantaco, Sénégal] Un mineur descend dans un puits de 30 mètres en se tenant à une corde et au boisage. La descente est périlleuse, d'autant qu'elle s'accomplit sans assurance, ni protection, et que la fatigue émousse les réflexes.
[Bantaco, Sénégal] Régulièrement, le travail s'arrête pendant quelques secondes, le temps d'examiner un morceau de roche afin de savoir s'il contient de l'or. Puis le travail de casse reprend en suivant le filon.





[Bantaco, Sénégal] En surface, certaines équipes utilisent des tuyaux en PVC mis bout à bout afin de communiquer avec les travailleurs au fond de la mine.


[Bantaco, Sénégal] Pour extraire des blocs de minerai, les travailleurs emploient des marteaux-piqueurs, mais aussi des pioches, des massettes et des burins.


[Bantaco, Sénégal] De plus en plus de jeunes travailleurs s'enivrent et se droguent au fond de la mine plutôt que de le faire au grand jour. Les accidents se multiplient, et les chutes, quand elles surviennent à une centaine de mètres de haut, laissent peu de survivants.


[Bantaco, Sénégal] Descendre dans les mines requiert une très bonne condition physique. La majorité sont des hommes qui ont entre 15 et 30 ans. En douze ans, sur les mêmes puits observés, ces jeunes mineurs ont généralement creusé plus de 120 mètres à la verticale.
[Bantaco, Sénégal] Sous les toits en paille ou en bâches plastiques s'active une véritable fourmilière. Il y a ceux qui se reposent, ceux qui hissent les sacs, ceux qui remontent et ceux qui descendent…





[Bantaco, Sénégal] Des sacs de pierres sont régulièrement remontés à la surface, notamment les déchets miniers. Celui-ci, rempli de minerai aurifère, sera déposé au sommet des gigantesques tas qui bordent les puits.


[Bantaco, Sénégal] Depuis quelques années, on croise de plus en plus de femmes et d'enfants qui travaillent dans les mines. Elles aident à remonter les sacs, trient le minerai et descendent parfois dans les puits.
[Bantaco, Sénégal] De plus en plus présentes autour des puits de mine, les femmes répondent souvent à l'absence de leurs époux devenus inaptes aux métiers de la mine. Quand ils ne sont pas déjà morts, bon nombre d'hommes expérimentés souffrent de blessures, de maladies et d'épuisement.





[Bantaco, Sénégal] Une fois les pierres non désirables remontées à la surface, elles sont amoncelées à côté des mines, formant des terrils qui ne font que grandir.


[Bantaco, Sénégal] Une femme et ses deux enfants travaillent sur un tas de pierres par 50°C. Les enfants viennent parfois aider lorsqu'ils n'ont pas d'école, mais beaucoup sont déscolarisés.


[Bantaco, Sénégal] Le partage des revenus de la mine est une étape très codifiée. Organisé par chaque concession toutes les deux semaines environ, il permet de distribuer le contenu des sacs aux travailleurs qui ont contribué à le trouver. Les pierres aurifères sont observées attentivement avant d'être distribuées aux travailleurs.


[Bantaco, Sénégal] Un homme gère le lieu où se passe la distribution, deux personnes se chargent de faire des tas égalitaires en termes de valeur minérale, une personne extérieure est désignée au hasard pour déposer les effets personnels de chaque bénéficiaire sur un tas… La séance se déroule dans la bienveillance et le plus grand calme.
[Bantaco, Sénégal] Le minerai doit être réduit en poussière afin de séparer les particules d'or qu'il contient. Cette poussière est source de nombreuses maladies respiratoires chez les mineurs.





[Bantaco, Sénégal] Une fois les pierres distribuées, elles sont concassées afin d'en faire de la poussière. Cette étape peut être réalisée de plusieurs manières. Les plus démunis, qui sont aussi les plus nombreux, utilisent un pilon ou un marteau, ce qui représente un travail de longue haleine, très épuisant


[Bantaco, Sénégal] Autre outil pour broyer les pierres, un concasseur à essence permet de faire de la poussière avec des pierres déjà réduites en taille. La poussière massivement dégagée par cette machine rend l'air irrespirable. D'ailleurs, certaines personnes qui concassent les pierres portent des masques.


[Bantaco, Sénégal] Kassa, personnalité du village, prétend au poste de maire de Bantaco. Il a gagné beaucoup d'or au fil des années et a pu investir dans des machines haut de gamme. Celle-ci est un énorme concasseur qui permet de broyer les grosses pierres et d'en faire de la poussière en une seule étape. Un gain de temps et d'énergie considérable. C'est le seul gros concasseur de Bantaco.


[Bantaco, Sénégal] Une fois que les pierres sont concassées, la poussière est déposée sur une grande table vibrante. Cet équipement utilise l'action combinée du secouage mécanique et du lavage à l'eau pour séparer les particules de minerai en fonction de leur densité. À Bantaco, il n'existe qu'une machine de la sorte et c'est Kassa qui l'a. Très chère, rares sont ceux qui peuvent se l'acheter.
[Bantaco, Sénégal] La méthode la plus répandue pour capter l'or est celle du « toboggan » car elle est peu onéreuse. La poussière minérale est déposée sur une moquette fixée sur un plan incliné. De l'eau de rivière est versée en haut, entraînant la poussière vers le bas. Les particules d'or, plus lourdes, s'accumulent dans les rainures de la moquette. In fine, cette moquette est délicatement secouée au-dessus d'un seau d'eau. Cette étape est longue et minutieuse.





[Bantaco, Sénégal] Sur un « toboggan », dont la moquette constitue une sorte de crible, coule l'eau chargée de poussière de pierre aurifère.


[Bantaco, Sénégal] Plus efficace, la table vibrante permet de séparer la poussière de pierre stérile des particules d'or, reconnaissables ici sur le liseré central.


[Bantaco, Sénégal] Vendu en sachet, le mercure est utilisé pour amalgamer l'or. Il est déposé dans un seau qui contient l'eau, la poussière de pierre et l'or. Cette étape est généralement réalisée à l'abri des regards. Tous ont entendu parler de la toxicité de ce métal, mais à défaut d'une technique plus sûre et aussi efficace, ils continuent d'en utiliser.


[Bantaco, Sénégal] Une fois le mercure déposé dans le seau, le mélange aurifère est brassé longuement et avec vigueur. Il s'agit pour l'orpailleur de diviser le métal liquide en minuscules gouttelettes afin qu'elles captent et s'agglomèrent aux particules d'or. Puis il faut diluer et évacuer le reste de la poussière, une opération très minutieuse.
[Bantaco, Sénégal] Cheikh est un intermédiaire. Il récupère de l'or à Bantaco, l'achète et le revend à son client contre une commission plus ou moins importante, selon le cours de l'or et ses talents de négociateur. Ici, dans sa chambre, il vérifie le poids des pépites d'or qu'il vient d'acheter à des mineurs.





[Bantaco, Sénégal] Dans un petit godet, Cheikh dépose des pépites d'or en y ajoutant de la brasure (ici en blanc) pour faciliter leur agglomération.


[Bantaco, Sénégal] Une fois l'or fondu dans le four, Cheikh le verse dans un moule correspondant au poids initial des pépites, et à la demande de l'acheteur.


[Bantaco, Sénégal] L'or est maintenant sous la forme d'un petit lingot que Cheikh réchauffe dans les flammes pour enlever les restes de brasure.


[Bantaco, Sénégal] Après avoir chauffé le lingot, Cheikh débarrasse les restes de brasure qui demeuraient collés à la surface, et réduisaient sa qualité.
[Bantaco, Sénégal] Après avoir pris connaissance de la qualité des lingots, Cheikh compare dans son carnet le montant de la pépite d'or qu'il a achetée avec sa valeur réelle, et ce, afin de négocier sa marge avec les acheteurs.





[Bantaco, Sénégal] Après une négociation d'un quart d'heure, Cheikh, qui a acheté pour environ 5 millions de francs CFA (environ 7600 euros) d'or à Bantaco, vient de recevoir pour cette transaction environ 300 000 francs CFA (460 euros). Sachant que le salaire moyen est de 300 euros, et que Cheikh réalise ce genre de transaction une fois par semaine environ, on peut dire qu'il exerce un métier enviable.


[Bantaco, Sénégal] Sur son smartphone, Cheikh montre un bijou en or qui a été réalisé avec l'or de Bantaco. Cet or peut être acheté par des joailliers occidentaux ou de Dubaï. Pour les intermédiaires comme Cheikh, il y a des risques, notamment d'être attaqué lors de ses trajets entre les sites d'orpaillage et Kédougou. Des bandes armées attaquent régulièrement les voitures qui quittent Bantaco afin de les dépouiller.
[Bantaco, Sénégal] Le site de Bantaco s'étend au-delà du fleuve Gambie. Chaque jour, bon nombre de mineurs doivent le traverser en pirogue, à pied, à moto, en voiture ou en camion.





[Bantaco, Sénégal] Deux hommes se baignent habillés dans le fleuve Gambie qui est très pollué. Bon nombre souffrent de démangeaisons après s'être baignés.


[Bantaco, Sénégal] Détourné en amont par les sites miniers, un ruisseau rejoint ici le fleuve Gambie. Il charrie de nombreux polluants, notamment du mercure.


[Bantaco, Sénégal] Pour laver le linge, les buandiers utilisent notamment de la lessive en poudre Novelas. À certains endroits, là où des rochers ponctuent le cours d'eau, ce sont des centaines de personnes qui rejettent massivement de la lessive.


[Bantaco, Sénégal] La mosquée accueille des villageois pour prier, notamment des mineurs que le ramadan met à rude épreuve. L'impossibilité de boire et de manger pendant une journée de travail en plein soleil, rend le jeûne compliqué, voire dangereux.
[Bantaco, Sénégal] Il est 19h30. L'air est rendu suffocant par des feux de poubelles qui ont été allumés un peu partout dans le village. L'odeur, la chaleur et la poussière font que ce soir-là, comme beaucoup d'autres, l'air a du mal à se frayer un chemin jusqu'aux bronches. Les maladies respiratoires sont courantes dans cette région.





[Bantaco, Sénégal] Au sein du village, le moindre espace laissé vacant est rempli de poubelles, et d'ordures en tout genre. Au milieu de ces bombes environnementales travaillent de nombreux enfants. Ils cherchent de la ferraille, des jouets, du plastique… il y a toujours quelque chose à récupérer ou à revendre. Âgés de 5 à 13 ans, ils passent des heures au milieu des ordures qui sont parfois incendiées.


[Bantaco, Sénégal] Oudy Diallo se bat contre l'impact environnemental de l'orpaillage. Lanceur d'alerte, il a été condamné à 6 mois de prison ferme pour « diffamation ». Les faits remontent à 2023, lorsqu'il a photographié et diffusé sur Facebook le commandant de la brigade de la gendarmerie de Saraya « en train de négocier avec des ressortissants chinois impliqués dans l'industrie minière ».


[Bantaco, Sénégal] Voici plusieurs semaines que Bantaco ne dispose plus d'électricité à cause d'une pièce qui n'est, pour l'heure, par réparable. Alors à partir de 20 heures, le village est plongé dans le noir. On n'entrevoit plus que les motos qui roulent durant toute la nuit, et les quelques lumières allumées grâce aux groupes électrogènes.


[Bantaco, Sénégal] Scène de vie dans une des maisons en dur de Bantaco. Très peu d'entre elles sont construites en dur car il faut des moyens financiers importants, et la plupart des villageois sont pauvres. Néanmoins, quelques maisons en dur sont sorties de terre suite aux incendies de 2016 qui ont brûlé une partie du village.
[Bantaco, Sénégal] Couvert de tôles où se pressent de nombreux habitants, le marché est un lieu important dans la vie sociale du village. Il est riche de fruits, de légumes, mais aussi de poissons pêchés dans le fleuve.





[Bantaco, Sénégal] Au petit matin, les rues de Bantaco sont encore vides, hormis ici un talibé en quête d'argent. Les talibés sont des enfants de 5 à 15 ans qui sont confiés à des marabouts pour l'apprentissage du Coran. Mais certains marabouts se servent d'eux pour mendier, exigeant qu'ils leur ramènent des sommes telles que 1500 francs CFA par jour, sans quoi ils ne pourront ni manger, ni dormir à l'abri. Cet argent revient au marabout qui en dispose comme il veut. Depuis quelques années, les talibés sont de plus en plus nombreux à Bantaco.


[Bantaco, Sénégal] L'école de Bantaco regroupe environ 500 élèves. Deux classes de CE1 sont composées respectivement de 125 et 78 élèves. Ces effectifs se réduisent à mesure qu'ils se rapprochent du CM2, lesquels ne sont plus qu'une quinzaine. Il y a deux raisons. Beaucoup d'enfants sont déscolarisés pour aller travailler dans les mines et contribuer aux revenus de la famille. Par ailleurs, nombreux sont les parents qui viennent sur des durées plus ou moins courtes avant de repartir dans leur pays avec leurs enfants.


[Bantaco, Sénégal] Mamadou a installé son commerce en 2008, mais depuis, il constate une baisse régulière de ses ventes. Lorsqu'il est arrivé, les villageois n'étaient pas nombreux et il y avait beaucoup d'or. Aujourd'hui, c'est l'inverse, et il gagne juste assez pour combler ses dépenses.


[Bantaco, Sénégal] En 2004, Demba Kanté est arrivé de Sédhiou, au Sénégal, pour ouvrir un petit commerce de boissons. À 63 ans, retraité de l'entreprise cotonnière Sodefitex, il est venu à Bantaco dans l'espoir de mieux gagner sa vie, mais il est déçu. Il songe à repartir, un jour.
[Bantaco, Sénégal] Les bulldozers d'une concession chinoise « grattent » toutes les collines environnantes pour trouver de l'or. Le paysage est rapidement bouleversé par ces machines.





[Bantaco, Sénégal] À quelques kilomètres au sud-est de Bantaco se trouve un site géré par des ressortissants chinois. Là, l'orpaillage se pratique à l'échelle industrielle. Le site a besoin d'eau pour les mêmes raisons que l'orpaillage artisanal, mais les proportions sont bien plus importantes, et des pompes ramènent l'eau sur des kilomètres jusqu'au site de traitement.


[Bantaco, Sénégal] Deux ressortissants chinois travaillent sur le site d'orpaillage, faisant équipe avec la main d'œuvre sénégalaise. Il est très compliqué d'avoir des informations au sujet des entreprises qui gèrent ce genre de site, mais comme au nord de la région de Kédougou, sur la rivière Falémé, ces concessions sont obtenues par la corruption des autorités.


[Bantaco, Sénégal] Étranger à la concession, un Sénégalais a été surpris par un Chinois en train de voler des pierres aurifères. À l'approche du personnel, il s'est caché dans un trou au péril de sa vie puisque le tractopelle continue d'amener des gravats. Pris sur le fait, il est parti tranquillement, visiblement habitué. Comme lui, des hommes et des femmes n'ont pas d'autre choix que de chercher des « restes » parmi les miettes de la concession chinoise.


[Bantaco, Sénégal] L'eau pompée par la concession chinoise sert au concassage des pierres comme à l'utilisation du mercure. Toute cette eau polluée est conduite dans un grand réservoir. Mais pendant l'hivernage, et l'accumulation des pluies abondantes, le réservoir ne peut contenir toute l'eau qui finit par déborder et ruisseler jusqu'au fleuve Gambie. Ici, au pied d'une table vibrante censée éviter l'usage du mercure, le sol est constellé par ce métal toxique.
[Kédougou, Sénégal] Au sein de la Direction régionale de la santé de Kédougou, le docteur Ababacar Mbaye a observé des patients portant des symptômes de paralysie flasque aiguë. Après avoir multiplié différents tests sur la population de Bantaco, son équipe a découvert des taux élevés de métaux lourds dans les organismes, justifiant la présence de cette maladie rare. Récemment, il a ausculté trois orpailleurs souffrant de fièvre hémorragique, et vomissant du sang. Chez eux aussi, du mercure a été décelé. Pour l'instant, il n'a pas constaté d'intoxication aiguë liée à l'eau, il pense que c'est plutôt chronique, que ça viendra avec le temps.





[Kédougou, Sénégal] Fatoumata Keita travaille au district sanitaire de Kédougou. Dans son quartier, comme cela existe partout au Sénégal, elle est la personne référente en ce qui concerne l'aide aux familles, celle à qui on peut se confier pour évoquer les problèmes du foyer. Le plus souvent, elle fait du porte-à-porte pour rencontrer les personnes pudiques, ou qui n'ont pas forcément assez d'argent pour se soigner. « Sur les sites miniers, des femmes qui allaitent meurent, des femmes qui accouchent meurent. Les gens qui boivent l'eau du fleuve ont mal au ventre, urinent du sang, et certains enfants souffrent de diarrhées aiguës », rapporte Fatoumata.


[Kédougou, Sénégal] Bobo Sisoro, 50 ans, est l'une des rares femmes à travailler au fond des mines, et ce depuis son plus jeune âge. Opérée de la hanche, le corps meurtri, elle souffre en permanence de problèmes pulmonaires. Le médecin lui a donné un masque contre la poussière, mais celui-ci s'est déchiré et elle n'en a plus. Dès qu'elle rentre du travail, elle est obligée de boire du lait pour se sentir mieux. Depuis plusieurs semaines, elle vomit du sang tous les jours. Un médicament lui a été donné, et elle commence à se rétablir, mais dès la fin du ramadan, elle retournera dans les mines pour subvenir aux besoins de son époux, malade lui aussi.
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LE PHOTOGRAPHE ANTOINE MERLET
Photoreporter indépendant, Antoine travaille pour la presse régionale et nationale. Après avoir donné des cours de sport pendant cinq ans, il s'est engagé dans le journalisme, orientant ses travaux vers les luttes sociales. Il aime prendre le temps de comprendre un sujet avant de s'y engouffrer. Exposé aux Rencontres d'Arles en 2017, à la Galerie VU' en 2020, et projeté au festival Visa pour l'image en 2021, il sait sortir de sa zone de confort pour travailler avec des rédactions comme M Le Monde, Télérama, Le Figaro, Libération, La Croix, ou encore Vice.