|
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
Bête curieuse des scientifiques, le permafrost peut atteindre une profondeur de 1,5 kilomètre. Figé par le froid, ce gigantesque bloc comporte des sections entières de glace qui sont restées gelées sous terre pendant des milliers d'années. Aujourd'hui toutefois, le réchauffement atmosphérique dans les régions arctiques engendre une fonte massive. Une fois ramolli, le sous-sol provoque de nombreux désagréments pour les populations locales : affaissement des terrains, effondrement des bâtiments, rupture d'oléoducs, déformation des routes, inondations, perturbation des écosystèmes. Au milieu de ce gigantesque congélateur se trouve le village d'Oymyakon. Situé à 700 km à l'est de la capitale Iakoutsk, c'est d'ailleurs le site habité en permanence le plus froid de la planète. Installés sur des terres gelées, les habitants s'occupent principalement d'élever des vaches, des chevaux et des rennes, complétant leur alimentation avec la chasse et la pêche. Quant aux maisons, le froid extrême ne permet pas de les équiper de l'eau courante. Pour s'en procurer, les villageois se font livrer de l'eau de la rivière par camion-citerne, mais le plus simple reste encore d'aller découper des blocs de glace. Une centrale à charbon fournit le réseau de chaleur, mais certaines maisons trop isolées doivent être chauffées une à une au feu de bois. Établi au fond d'une immense cuvette naturelle, le village d'Oymyakon endure des records terrifiants. Vallées fermées, éloignement de l'océan, journées d'hiver courtes, faible rayonnement solaire et anticyclones sont les principaux facteurs du refroidissement intense de la masse d'air. Mais depuis les fameux –71,2°C enregistrés en 1926, les météorologues constatent des bouleversements qui contribuent au dégel du permafrost. Malgré une température moyenne annuelle plutôt stable, la région connaît désormais des anomalies thermiques, des chutes de neige abondantes et de nombreux incendies de forêt. La chaleur estivale, de plus en plus forte, assèche la végétation nécessaire à l'élevage, mettant en péril les activités traditionnelles. Pire, certains scientifiques estiment que l'affaiblissement de ce « pôle du froid » pourrait provoquer une réaction en chaîne climatique, et une catastrophe à l'échelle planétaire. Si les efforts entrepris pour pallier ce réchauffement sont encore minimes, il est une tentative qui mérite de s'y attarder. Celle de Sergueï Zimov, un géochimiste russe qui, en 1996, a fondé le Centre de recherche sur le permafrost en Yakoutie. Depuis, c'est son fils Nikita Zimov qui a repris le flambeau. Au sein d'une réserve naturelle de 20 km² baptisée « Parc du Pléistocène », l'écologue tente de limiter le dégel en recréant l'écosystème du temps des mammouths. Il a rassemblé yaks, bisons, rennes, chevaux, chèvres et même des chameaux, autant d'herbivores qui jugulent la végétation en été, et enlèvent d'épaisses couches de neige en hiver (la neige maintient la terre au chaud). Ainsi découvert, le sol peut respirer et se refroidir. Cette expérience, si elle était menée à plus grande échelle, pourrait peut-être protéger le permafrost, et plus généralement le climat des zones arctiques. Natalya Saprunova
|