Le lieu est discret, et même « interdit à toute personne étrangère au service ». Bienvenue dans « la cathédrale » comme l'appellent ses initiés. D'une superficie de 800 m², cette réserve est localisée dans les sous-sols de la cité du personnel naviguant (PN dans le jargon) à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle. Stockées sur différents sites jusqu'en novembre 2022, dont l'ancien aérogare des Invalides au cœur de la capitale, les archives d'Air France y ont été regroupées pour conserver un patrimoine d'une valeur inestimable, mais aussi pour le valoriser. Une mission assurée au quotidien par Christine Scazza et son service, en charge ce matin-là de superviser le colisage d'objets en partance pour une exposition en Corée du Sud : « Uniformes, maquettes, vaisselle, objets publicitaires, affiches… Tout ce qui est logoté Air France et de ses filiales est conservé ici. Cela représente environ 60 000 objets qui vont du moindre pins jusqu'à la maquette d'avion de 2 mètres d'envergure. On raconte 90 ans d'histoire et même plus », se félicite la responsable du site. La riche histoire d'Air France fait indéniablement sa force depuis sa création, elle qui peut se targuer de faire partie du club fermé des compagnies pionnières dans le voyage aérien.
Samedi 7 octobre 1933, aéroport du Bourget, le drapeau tricolore claque fort au vent, marquant ainsi avec éclat l'inauguration officielle d'une toute nouvelle compagnie : Air France. À l'inverse d'autres nations, comme les Pays-Bas (avec KLM créée en 1919), notre pays ne disposait toujours pas d'une compagnie nationale mais d'une myriade de sociétés, dont certaines avaient écrit de belles pages, à commencer par l'Aéropostale. Dans les cieux, au-dessus des déserts brûlants d'Afrique ou des sommets de la cordillère des Andes, ses pilotes ont écrit sa légende. Ils s'appellent Henri Guillaumet, Jean Mermoz ou Antoine de Saint-Exupéry. La littérature a fait d'eux des héros du royaume des étoiles, et de leurs vols de nuit de folles épopées. Leur quotidien était moins romantique, car il s'agissait de livrer le courrier à l'heure, et ce par tous les temps. Les lignes aériennes se tissaient alors comme autant de toiles d'araignée vers l'Europe centrale, l'Afrique du Nord et de l'Ouest, le Moyen-Orient, et bientôt l'Extrême-Orient. À bord des Dewoitine 338 et autres Breguet, le confort est encore très sommaire : les sièges sont en osier et pas encore fixés. Dans la carlingue, l'air est non pressurisé. Il fait froid, ça vibre et ça craque de partout. Le bruit des moteurs est également épouvantable, tous comme les odeurs d'huile de ricin. […]
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Stéphane Dugast
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