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GABRIEL 30 ANS CHASSEUR DE FOSSILES
HAUTES-PYRÉNÉES + ARIÈGE + ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE, FRANCE  •  PHOTOS © RÉMI VINAS / AGENCE ZEPPELIN
Les dinosaures français refont surface. Peu à peu dévoilés par l'érosion, leurs fossiles sont révélés par quelques érudits. Gabriel Delaroue, lui, en a fait son métier. Paléontologue de formation, le jeune trentenaire dédie sa vie à récolter, préparer et exposer ses découvertes. Autodidacte, il arpente les rivières et les forêts des Petites Pyrénées à la recherche des derniers dinosaures de notre planète. Entre passion et rigueur, il aime à se présenter comme un artiste, réanimant ces créatures fabuleuses au gré de son imagination.

Sollicité par des institutions comme des particuliers, Gabriel fait preuve d'un travail d'orfèvre sur les collections du monde entier. En juin 2024, il présentera une partie de ses propres trouvailles lors d'une exposition exceptionnelle intitulée « Dinosaures ». Elle se tiendra à La Paléogalerie à Salignac, un musée associatif situé dans les Alpes-de-Haute-Provence. Quatre squelettes de dinosaures, parmi les plus beaux découverts en France, y seront d'ailleurs mis à l'honneur.
UNE QUÊTE INFINIE
[Ossen, Hautes-Pyrénées] Gabriel regarde la sculpture qu'il a réalisée à partir d'un fossile d'ammonite. Pour mieux représenter ce mollusque du Crétacé, il lui a rajouté des tentacules qu'il a soudés au gré de son imagination. Dans cette pièce de son domicile, il expose diverses trouvailles qu'il a minutieusement préparées, tel un cabinet de curiosités. « Chacun de ces fossiles me rappelle un souvenir… C'est là je crois tout l'intérêt des collections de passionnés, qui en plus des objets paléontologiques qu'elles contiennent, portent avec elles l'histoire de leurs découvreurs », confie Gabriel.





[Ossen, Hautes-Pyrénées] Gabriel pose entouré de ses outils ainsi que d'ammonites découvertes sur un chantier dans le nord de la France. Son équipement de prospection comprend marteaux, burins, pelles, piochons, barre de fer, masse, brosses, mais aussi résine, cellophane, cartes, GPS, carnet et stylo. « On me prend souvent pour un fou, mais quand je montre les preuves de ce que j'avance, je vois l'intérêt des gens changer sur une matière et une région qui leur étaient pourtant familières », se justifie le paléontologue.


[Petites Pyrénées, Ariège] L'analyse des cartes topographiques et géologiques permet à Gabriel de repérer de potentielles zones favorables au dépôt de sédiments il y a 70 millions d'années, et donc des traces des derniers dinosaures du monde. Ici, la zone qui l'intéresse a été découverte en 1850 par l'abbé Pouech, et fréquentée depuis par nombre de paléontologues. Correspondant à un ancien bord de mer mesurant plus de 100 kilomètres de long ; elle est aujourd'hui recouverte de champs et de forêts très denses.


[Petites Pyrénées, Ariège] La prospection est une phase très aléatoire où Gabriel use de ses connaissances et de son savoir-faire pour faire ressurgir de discrets témoignages du passé. Les anciens bords de mer sont bien connus des paléontologues car ils rassemblent les qualités requises à la conservation ad integrum de fossiles de par leur privation en oxygène et la protection contre les charognards.


[Petites Pyrénées, Ariège] Suite à l'analyse des cartes qui répertorient la nature des affleurements rocheux, Gabriel se rend sur le terrain pour retrouver la couche fossilifère et suivre son litage. Il s'agit d'une roche calcaire qui s'est sédimentée sous la mer, là-même où des animaux morts ont été ensevelis. Fréquentant régulièrement cette zone, il sait à peu près quelle faune il est susceptible de rencontrer, encore faut-il la reconnaître.
DE FRAGILES FRAGMENTS
[Petites Pyrénées, Ariège] Muni d'un piochon, Gabriel identifie un fragment de fossile présent à la surface d'un bloc de roche sédimentaire. Le fossile étant fragilisé depuis plusieurs millions d'années sous terre, il ne se distingue de la roche que par son aspect géométrique morcelé. « Découvrir des fragments d'os que personne n'avait encore vus me donne la sensation de contribuer à quelque chose qui me dépasse », confie Gabriel.





[Petites Pyrénées, Ariège] L'extraction d'un fragment de fossile présent à la surface d'une roche représente une phase critique. L'objet étant fragilisé depuis plusieurs millions d'années sous terre, il ne se distingue de la roche que par son aspect géométrique morcelé. Ici, Gabriel dépose une résine pour préserver l'intégrité du fossile avant de casser la pierre qui l'enserre.


[Petites Pyrénées, Ariège] Gabriel brise de la roche sédimentaire à l'aide d'une massette et d'un burin. Pour préserver l'intégrité des fossiles, l'expérience et les connaissances paléontologiques sont indispensables au bon déroulement de l'opération. Un bloc, intéressant de par sa composition et sa localisation dans la couche géologique, peut parfois s'avérer stérile après examen.


[Petites Pyrénées, Ariège] Gabriel encolle un fragment afin de préserver son intégrité avant de l'emballer dans de la cellophane. « Chaque fossile visible à l'érosion est par définition une pièce fragile et incomplète », précise Gabriel qui prend soin de ne jamais toucher les fragments avant consolidation par une résine spécifique. Cette phase de stabilisation fait partie d'un rigoureux protocole dans la prospection.


[Ossen, Hautes-Pyrénées] Gabriel montre deux blocs de roche brute qui contiennent les fragments de la fibula (l'os en contact du tibia) d'un dinosaure herbivore de la famille des Hadrosauridés, les fameux « dinosaures à bec de canard ». « Dans de nombreux cas, un fossile extrait d'un site en une journée nécessite de travailler dessus pendant plusieurs mois en atelier », explique le paléontologue.
UN TRAVAIL D'ORFÈVRE
[Ossen, Hautes-Pyrénées] Sollicité par un collectionneur suisse, Gabriel prépare un crâne de phytosaure (acheté aux États-Unis) dont une partie a été reconstituée par impression 3D. « C'est pratique car on adapte la reproduction aux proportions exactes du crâne, explique-t-il, mais cela requiert plus de travail [5 mois pour cet exemple] puisqu'on va devoir préparer les os sur toutes les faces, contrairement à une préparation sur le bloc de roche originel. » Le fossile ainsi préparé, retrouvant ses volumes et ses parties manquantes, est plus compréhensible du grand public, c'est pourquoi les musées du monde entier privilégient cette technique.





[Ossen, Hautes-Pyrénées] Un os de dinosaure se découvre petit à petit sous l'action d'un graveur pneumatique. « Chaque fossile demande une préparation différente », prévient Gabriel qui a acquis ses compétences techniques en réalisant des stages dans d'autres entreprises spécialisées. « J'ai fait des études de paléontologie, mais en France, il n'existe aucune formation pour devenir préparateur de fossiles », regrette l'intéressé.


[Ossen, Hautes-Pyrénées] Plus Gabriel s'approche d'un fossile, et plus les outils qu'il utilise sont fins. Après la massette et le burin, il emploie ici un graveur pneumatique, sorte de marteau-piqueur de la taille d'un stylo, pour mettre à nu la dent d'un théropode carnivore trouvée en Ariège. « Je n'ai pas encore pu identifier cette espèce, mais elle appartient probablement au genre des Abélisaures », indique prudemment le paléontologue.
LES DINOSAURES RÉANIMÉS
[Saint-André-les-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence] Dans l'entrepôt de Luc Ebbo, paléontologue et créateur de La Paléogalerie à Salignac, Gabriel soude la structure métallique qui soutient le squelette complet d'un ichtyosaure, le plus grand jamais découvert au Crétacé. Ici, entre les mains expertes de Gabriel, paléontologue et artiste à la fois, la bête de 8 mètres de long semble reprendre vie dans une pose captivante. Maniant ensuite la disqueuse, il sculpte avec une précision chirurgicale le socle afin de créer un environnement harmonieux.





[Saint-André-les-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence] Dans l'entrepôt de Luc Ebbo (ici à droite), paléontologue et conservateur de La Paléogalerie à Salignac, la silhouette d'un ichtyosaure se détache de la pénombre. Ce vertébré marin, aux allures de dauphin avec une queue de requin, est apparu il y a 220 millions d'années. Gabriel vient d'en achever le soclage, point d'orgue de cette aventure qui succède à l'extraction, puis à la préparation minutieuse de chaque os fossilisé (plus de 1000 au total).


[Ayros-Arbouix, Hautes-Pyrénées] Intervenant dans une école maternelle, Gabriel se prête à une séance de découverte ludique de la paléontologie en présence du moulage d'un crâne d'allosaure, un terrifiant dinosaure ayant vécu durant le Jurassique il y a 150 millions d'années. Entre les mains curieuses de ces enfants de petite à moyenne sections, le paléontologue replonge dans sa plus tendre enfance, où au même âge, il découvrit son premier fossile dans une pierre de maison en ruine.
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LE PHOTOGRAPHE  RÉMI VINAS
Photographe professionnel originaire des Hautes-Pyrénées, Rémi Vinas explore ce qui détermine la vocation et l’engagement des humains dans leur quotidien. Initialement passionné de photographie animalière, ce médecin urgentiste de formation se plaît à redécouvrir l’humanisme à travers la photographie documentaire. Fort de ses expéditions naturalistes en Amazonie et de son exercice médical en France, il partage à travers ses reportages un regard intimiste sur les humains et leur détermination.