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MÉDECINS DE L'EXTRÊME À TOUTE ÉPREUVE
FRANCE  •  PHOTOS © RÉMI VINAS / AGENCE ZEPPELIN
Des professionnels de santé interviennent tous les jours pour prendre en charge les victimes en situation périlleuse. Spécialisés dans la médicalisation en milieu « hostile », ils interviennent de jour comme de nuit pour assurer une continuité de la filière de soins avec le système préhospitalier conventionnel et ce, sur l'ensemble du territoire métropolitain français.

Mais sur le terrain, l'imprévu bouleverse parfois leur schéma mental d'anticipation, les obligeant à définir de nouvelles priorités pour réagir vite et bien. De la mission de routine à l'attentat terroriste, de l'hélitreuillage en mer au déploiement d'une caravane en montagne, du fin fond d'un gouffre humide aux gradins bondés d'un stade, ils doivent s'entraîner sans relâche. Immersion dans le quotidien de ces médecins de l'extrême animés d'une ferveur commune, d'une vocation à toute épreuve.
HORS-PISTE, LA NEIGE HOSTILE

Lorsqu'une alerte avalanche en secteur hors-piste est déclenchée, il règne parfois une phase de doute quant au nombre exact de victimes. La reconnaissance initiale impose l'intervention d'une équipe de secours en montagne afin de dénombrer et de dégager le plus rapidement les personnes ensevelies. Exposée au risque de sur-avalanche et au manque de visibilité, la progression peut s'effectuer à ski de randonnée, raquettes ou à pied en fonction du terrain, imposant une vigilance accrue face au danger.
[Exercice préfectoral d'avalanche en Haute-Garonne] L'accès à la route ou autre forme de voie carrossable marque la frontière nette entre milieu hostile et intervention du « quotidien ». Elle correspond ici, lors d'une simulation à taille réelle, à la fin de la prise en charge de l'équipe du secours en montagne des Hautes-Pyrénées qui remet son patient à une équipe de la Structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) pour poursuivre la médicalisation préhospitalière vers le centre de proximité proposant le plateau technique adapté à la victime. Les transmissions entre les deux médecins assurent une continuité dans la prise en charge médicale sans rupture.





[Exercice préfectoral d'avalanche en Haute-Garonne] Sniper, chien d'avalanche du PGHM 65, vient de déneiger une « victime » lors d'une simulation à taille réelle. Dotés d'un flair très puissant, ces chiens ont la capacité d'identifier l'odeur humaine émanant du manteau neigeux sans la confondre avec celle des secouristes. La première cause de mortalité des victimes d'avalanches restant l'asphyxie, devant les mécanismes traumatiques et l'hypothermie, la rapidité d'action de cet animal en fait un agoniste essentiel à la médicalisation.


[Exercice préfectoral d'avalanche en Haute-Garonne] Après dégagement (en simulation), Simon Bernard, médecin du secours en montagne des Hautes-Pyrénées, pratique une réanimation cardio-respiratoire sur un mannequin factice. En présence des secouristes, le médecin devient leader de la prise en charge afin de coordonner les différentes actions des secouristes formés à la réanimation d'une victime en arrêt cardio-respiratoire. Outre ses compétences médicales, ce médecin entretient un niveau technique propre au milieu montagnard.
SOUS TERRE, DES MISSIONS FASTIDIEUSES

En spéléologie, la sensation d'éloignement de la civilisation, l'évolutivité du milieu avec le risque d'une crue brutale, l'humidité et l'éventuelle hypothermie sont autant de difficultés avec lesquelles le médecin devra composer lors de la prise en charge de son patient, ainsi que pour la sécurité de son équipe.
[Entraînement spéléologique dans les Pyrénées-Atlantiques] Alternant les semaines d'astreinte de secours en montagne avec le Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM), la Compagnie républicaine de sécurité Pyrénées (CRS) profite de sa semaine off pour un entraînement spéléologique en compagnie de deux médecins du secours en montagne. C'est l'occasion de découvrir la fameuse traversée de la Pierre Saint-Martin lors d'un périple de près de 12 heures, un moment privilégié d'échanges entre secouristes, essentiel à la cohésion intra et inter-service.





[Exercice de secours à personne dans un gouffre près de Saleich, en Haute-Garonne] À l'issue d'une approche périlleuse, le médecin du secours en spéléologie accède à une « victime présentant une fracture du fémur » (simulation). Comptant parmi les activités de secours les plus périlleuses, cette discipline impose au médecin une certaine acceptation du risque, ainsi qu'une capacité d'anticipation affinée face à un milieu extrêmement évolutif.


[Exercice de secours à personne dans un gouffre près de Saleich, en Haute-Garonne] En spéléologie, les difficultés d'accès, de transmission avec la surface et d'évacuation des victimes induisent le plus souvent des prises en charge longues et éprouvantes pour les équipes de secours. La réalisation d'un « point chaud » permet de travailler au sec autour de la victime. La lutte contre l'hypothermie est déterminante dans la survie du patient polytraumatisé.
LA VOIE RAPIDE DES AIRS

Si tout enfant rêve un jour de devenir un héros, pour Antoine Rouget, médecin du secours en montagne des Hautes-Pyrénées, la réussite collective de certaines interventions difficiles provoque parfois le sentiment de « faire partie d'une équipe de héros, dont chaque membre est indispensable au succès de la mission » selon ses propres mots.
[Intervention en situation réelle, Hautes-Pyrénées] Un dernier virage avant la dépose sur la drop zone de Gavarnie pour Nicolas, pilote de l'hélicoptère EC145 de la section aérienne de gendarmerie de Tarbes. Du pilote au secouriste en passant par le médecin, chaque compétence est mise à profit lors des interventions du secours en montagne.





[Intervention en situation réelle, Hautes-Pyrénées] Accompagné du médecin du secours en montagne, un père rassure son enfant de six ans, blessé léger sur le massif des Hautes-Pyrénées, avant l'embarquement vers un centre hospitalier. Ce jour-là, l'hélicoptère de gendarmerie Choucas 65 a permis l'intervention du Peloton de gendarmerie de Haute Montagne (PGHM) au-dessus du plateau nuageux grâce aux compétences de son pilote formé à ce type de manœuvre périlleuse. Si les missions réussies provoquent un sentiment de satisfaction, les conditions météo dégradées compromettent souvent les interventions de secours.


[Intervention en situation réelle, Hautes-Pyrénées] Sous les yeux du mécanicien de bord de l'hélicoptère de gendarmerie Choucas 65, responsable du bon déroulement du protocole de treuillage, un secouriste du PGHM 65 remonte à bord le blessé léger secouru. Après une évaluation médicale, le patient regagnera son domicile avec plus de peur que de mal, reconnaissant de l'équipe de secouristes. En 2022, les missions de secours à personne représentaient 68 % de l'activité de la Section aérienne de gendarmerie (SAG) de Tarbes, soit son activité majoritaire devant les missions de sécurité publique ou les opérations judiciaires.
LA CARAVANE TERRESTRE

« Si l'accès aux victimes n'est pas possible par la route ou par hélicoptère, on met en place une caravane terrestre », explique Antoine Rouget, médecin du secours en montagne des Hautes-Pyrénées. Mais parfois, en basse montagne, un simple accident de loisir peut être difficilement accessible. Une chute de chemin de randonnée pédestre, à distance de toute forme de voie carrossable, peut nécessiter un accès en corde de rappel par les équipes spécialisées.
[Exercice d'entraînement en contrebas du barrage du lac d'Oô, en Haute-Garonne] Après que la « victime » (simulation) ait été remontée sur un chemin de randonnée, l'équipe du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Haute-Garonne se prépare à l'évacuer en caravane terrestre. Cette « perche », barquette d'une incroyable polyvalence utilisée par les membres du secours en montagne, permet d'évacuer un patient par portage simple, par brancardage à l'aide d'une roue comme ici présent, ainsi que par hélitreuillage.





[Exercice d'entraînement en contrebas du barrage du lac d'Oô, en Haute-Garonne] Après un premier contact avec le PGHM 31, le médecin vient de rejoindre la « victime » (simulation) en descente sur corde pour débuter sa médicalisation. Au vu des risques de noyade et autres chutes près des barrages, un responsable EDF local rappelle ici « l'importance des règles de sécurité figurant sur les panneaux entourant les centrales hydroélectriques ».


[Entraînement dans le Luchonnais, Haute-Garonne] Trois médecins arrivent en haut du Couloir en Y situé au-dessus de l'Hospice de France. Opérant de manière intermittente avec la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) Pyrénées et les PGHM 65 et 31, les médecins de la Structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) Montagne de Tarbes s'entraînent régulièrement avec les secouristes à la progression en haute montagne, et ce en toutes saisons.
DANS UN CONTEXTE TERRORISTE

Contrairement à un secours à personne de routine, le médecin qui intervient dans un scénario terroriste doit se plier aux règles tactiques imposées par les forces de l'ordre, et ce, tant que la menace n'est pas neutralisée. Ainsi le temps judiciaire rythme-t-il la phase de secours, rendant la communication et la collaboration interservices incontournables et essentielles au bon déroulement des opérations.
[Entraînement interministériel zonal (EIZ) sur le parc des expositions MEETT, Aussonne, Haute-Garonne] Un membre des forces de l'ordre examine les « victimes d'un attentat à l'arme chimique » lors d'une simulation.





[Entraînement interministériel zonal (EIZ) sur le parc des expositions MEETT, Aussonne, Haute-Garonne] Face à la menace terroriste, les entraînements à l'intervention en équipement de protection individuelle (EPI) contre le risque chimique font partie inhérente de l'exercice de Salomé Sousa, jeune médecin du Service d'aide médicale urgente de Toulouse (SAMU 31). À l'image de la polyvalence de cette nouvelle génération de médecins urgentistes, cette mère de 30 ans est déjà référente de la traumatologie dans son service d'Urgences en plus de son activité et s'apprête à intégrer l'encadrement de la médecine de catastrophe au SAMU de Toulouse.


[Entraînement interministériel zonal (EIZ) sur le parc des expositions MEETT, Aussonne, Haute-Garonne] Le directeur des secours médicaux (DSM) supervise l'intervention du SAMU 31 lors de la simulation d'un attentat. En situation de crise, c'est le médecin urgentiste compétent qui prend le rôle de DSM. Il a pour mission, aux côtés du commandant des opérations de secours (COS), d'organiser la filière de soins préhospitalière afin d'optimiser la prise en charge des nombreuses victimes. Cela impose de prendre du recul afin de coordonner les équipes médicales sur place, ainsi que l'anticipation des moyens en fonction de la cinétique de la situation.
LA MÉDECINE AU PLUS PRÈS DU FEU

Libération d'otages, contre-terrorisme et neutralisation de forcenés font partie du champ de compétences du RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion). Parmi ce groupe d'intervention de niveau 3 de la Police nationale, un médecin garantit la survie d'un éventuel opérateur blessé.
[Entraînement interministériel zonal (EIZ) sur le parc des expositions MEETT, Aussonne, Haute-Garonne] Pendant que le RAID donne l'assaut lors d'un attentat (simulation), le reste de la colonne se tient en renfort, à proximité du véhicule blindé. Le médecin, ici en retrait, peut dans certaines interventions intégrer la colonne, en tenue de protection balistique.





[Entraînement interministériel zonal (EIZ) sur le parc des expositions MEETT, Aussonne, Haute-Garonne] Éléments indissociables d'une colonne d'assaut d'un groupe d'intervention de la Police nationale, les médecins du RAID sont les seuls compétents pour médicaliser en « zone d'exclusion police » face à une menace active. Ils peuvent être jusqu'à deux lors des interventions d'ampleur, ou seul comme ici lors de la simulation d'un attentat.


[Entraînement interministériel zonal (EIZ) sur le parc des expositions MEETT, Aussonne, Haute-Garonne] Une fois l'intervention du RAID terminée et le danger maîtrisé, le médecin peut être amené à prendre en charge les victimes civiles, comme ici le « terroriste appréhendé » (simulation). Equipés d'un masque à gaz, d'une cartouche filtrante et d'une bouteille d'air comprimé, ils peuvent intervenir pendant plusieurs minutes en toute sécurité.
JUSQU'AU SAUVETAGE EN MER

La fréquence des exercices réunissant différents intervenants renforce le lien et les connaissances des équipes afin de faciliter les interventions en situation réelle. En mer comme en montagne, la collaboration interservices grâce à sa pluridisciplinarité fait ses preuves dans le bon déroulement d'une intervention technique en milieu hostile.
[Exercice d'entraînement au sauvetage en mer, au large de Port Médoc, en Gironde] Malgré une météo capricieuse, une médecin du Service d'aide médicale urgente (SAMU) parvient à regagner la corvette de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) afin de médicaliser une intervention. Suite à une dépose en pleine mer sur navire en marche, le nageur de combat de la Marine nationale attend la récupération de son matériel d'intervention treuillé par le mécanicien de l'hélicoptère militaire.





[Exercice d'entraînement au sauvetage en mer, au large de Port Médoc, en Gironde] Premier à avoir été déposé sur la corvette de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), un nageur de combat de la Marine nationale spécialisé dans le secours en mer se prépare à récupérer le médecin du Service d'aide médicale urgente (SAMU), ici treuillé par l'hélicoptère Guépard. Le treuillage en mer sur navire en mouvement représente une phase critique d'exposition au danger, nécessitant un « recyclage » régulier des médecins en présence des opérateurs militaires.


[Exercice d'entraînement au sauvetage en mer, au large de Port Médoc, en Gironde] Un nageur de combat de la Marine nationale est déposé sur une corvette de la SNSM. L'hélitreuillage en mer est une phase critique du premier contact avec la victime. «  Le bon déroulement d'une intervention technique en mer, sans dommage collatéral dans l'équipe, procure un certain sentiment de satisfaction personnelle », confie Paul Maroteix, médecin du secours maritime, soit la récompense d'un maintien de compétences régulièrement entretenu aux côtés des gens de mer.
LA « FILIARISATION » DES VICTIMES

L'anticipation, qualité principale du médecin de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et de tout bon médecin urgentiste, implique de ne pas confondre urgence et précipitation. Lors de son arrivée sur les lieux de l'intervention, il doit réaliser une appréciation globale de la situation ainsi qu'un bilan d'ambiance. L'imprévu bouleverse parfois son schéma mental d'anticipation, c'est pourquoi ce médecin habitué à la prise de décision en urgence doit réagir en composant avec l'évolutivité de la situation.
[Exercice d'ampleur organisé par la Préfecture de police au Parc des Princes, à Paris] Face à « un grand nombre de victimes » (simulation), les premiers médecins sur place commencent par dénombrer l'ensemble des victimes ainsi qu'à réaliser les gestes de damage control pour les urgences absolues. Cette phase de « triage » est indispensable à la bonne filiarisation des patients vers les services de soins adaptés, ainsi qu'à la priorisation des victimes les plus sévères.





[Exercice d'ampleur organisé par la Préfecture de police au Parc des Princes, à Paris] Calme, gestion du stress et anticipation sont des qualités indispensables aux secouristes et médecins de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.


[Exercice d'ampleur organisé par la Préfecture de police au Parc des Princes, à Paris] membres de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) transportent leur matériel sur une civière pour rejoindre les « victimes » (simulation).
DES MISSIONS DE ROUTINE ?

Sur l'année 2022, 27 289 victimes en urgence absolue ont ainsi été prises en charge par les équipes médicales de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP). Soutien des sapeurs-pompiers au feu, missions d'accompagnement de hautes autorités de l'État, consultations médicales et aide médicale d'urgence constituent le panel de compétences de ces médecins.
[Intervention en situation réelle à Paris] Rodé à la conduite en situation d'urgence, un ambulancier de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) transporte son équipe médicale de l'état-major de Champerret auprès d'une victime suspectée de rupture d'anévrisme intracrânien. Dans un équilibre raisonné entre sécurité et rapidité, où chaque minute compte, les équipes de réanimation préhospitalière s'exposent par la fréquence de leurs interventions au risque de suraccident routier sur le trajet, preuve que même le quotidien de ces soignants n'est pas dénué de danger





[Intervention en situation réelle à Paris] Dans une ambulance de réanimation, Cécile Lebrun, médecin à la BSPP, passe un appel téléphonique pour la prise en charge d'un patient. Malgré une féminisation de la BSPP à seulement 7 % en 2022, justifiée par l'exigence physique des tests d'entrée, cette proportion est beaucoup plus élevée au sein de l'équipe médicale, se rapprochant davantage des 49 % de femmes médecins sur le territoire français, dénombrées par le Conseil national de l'Ordre des médecins en 2023.


[Intervention en situation réelle à Paris] Cécile Lebrun, médecin à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), tient la tête d'un patient avant qu'il ne passe un scanner. « J'ai le sentiment d'être utile, et c'est toujours gratifiant de sauver une vie », confie Cécile. Au-delà des compétences propres au terrain périlleux, son empathie s'avère être un atout indispensable à la cohésion de son équipe au quotidien, à sa coopération en situation d'urgence, et in fine, à une interaction humaniste avec ses patients.
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LE PHOTOGRAPHE  RÉMI VINAS
Photographe professionnel originaire des Hautes-Pyrénées, Rémi Vinas explore ce qui détermine la vocation et l’engagement des humains dans leur quotidien. Initialement passionné de photographie animalière, ce médecin urgentiste de formation se plaît à redécouvrir l’humanisme à travers la photographie documentaire. Fort de ses expéditions naturalistes en Amazonie et de son exercice médical en France, il partage à travers ses reportages un regard intimiste sur les humains et leur détermination.