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SARKAS DERNIER TOUR DE PISTE
BARGUNA + MAGURA, BANGLADESH © LUCIEN MIGNÉ / AGENCE ZEPPELIN
Acclamés mais rejetés, les cirques itinérants du Bangladesh sont sur le point de disparaître. Vivant de leur art au gré des villes qui les accueillent, ces artistes enchanteurs sont boudés par les jeunes générations. Si l'on peut se réjouir du durcissement des conditions requises pour travailler avec un éléphant, cette corporation fragile préfère s'en abstenir, renonçant ainsi à son meilleur ambassadeur. Issus d'une tradition ancestrale, dans un pays où la culture orale prédomine, ces communautés nomades essuient les plâtres de la globalisation. La plus grande d'entre elles, le Lion Circus, ne regroupe plus que 70 saltimbanques et techniciens. Face à un ostracisme croissant, les clowns sont tristes.  LIRE LA SUITE
[Barguna, Bangladesh] Lors de la représentation de 15 heures, les clowns Babul et Sri Ram font leur performance de voltige sous l'œil d'un public clairsemé. Le spectacle attirant le plus de spectateurs est le suivant, commençant à 18 heures.





[Barguna, Bangladesh] Le clown Sri Ram fait rire le public pendant la performance de Tuntuni, 7 ans, lors d'une représentation. Tous les jours de la semaine, trois représentations sont données (à 15 heures, 18 heures et 21 heures), chacune de deux heures.


[Barguna, Bangladesh] Une jeune spectatrice observe la performance des artistes. Le cirque est installé pendant un mois dans la petite ville de 33 000 habitants, ce qui constitue un véritable événement local car la troupe n'y revient que tous les cinq ans.
[Barguna, Bangladesh] Pendant le démontage du chapiteau, le dresseur d'animaux Motaleb (à droite) entraîne une des chèvres du cirque pour un futur numéro d'équilibrisme, sous le regard attentif des techniciens Proboulo et Shakil. Derrière eux, l'équipe de techniciens démonte la « Boule de la mort ». Lors d'un des numéros du spectacle, un motard tourne à l'intérieur de cette cage métallique grâce à la force centrifuge.





[Entre Barguna et Magura, Bangladesh] Alors que 7 camions ont été loués pour transporter le chapiteau et la troupe jusqu'à la prochaine destination du cirque, l'éléphant Rashmoni fait la route à pied. Quatre cornacs, dont ici Nisan, effectuent en 10 jours ce voyage d'environ 250 kilomètres pour conduire le pachyderme sur les routes de campagne. Âgé de 22 ans, Rashmoni est le dernier éléphant du Lion Circus qui en comptait 11 à son apogée dans les années 1990. À cette époque, le cirque possédait 6 lions, 6 ânes, 6 chèvres, 4 ours, 4 chevaux et 2 léopards. En 1998, une partie de ces animaux ont été relâchés dans des parcs nationaux.


[Près de Magura, Bangladesh] Le cornac Massoud lave l'éléphant Rashmoni dans un étang public. L'animal est né au sein du Lion Circus en 2000. Depuis, ses deux parents et son frère sont décédés. En raison de leur coût (10 000 USD) et de nouvelles législations mises en place en 2018 par le Gouvernement pour la protection des animaux – imposant une superficie minimale réservée à l'éléphant à côté du chapiteau –, le Lion Circus ne rachètera pas d'éléphant. De même, pour posséder un éléphant, un cirque au Bangladesh doit payer au gouvernement une taxe de 4000 takas (soit environ 40 euros) par mois.


[Près de Magura, Bangladesh] Le pachyderme récupère avec sa trompe le billet qu'un motard offre au cornac. Divers passants contribuent ainsi aux frais du voyage, et les quatre cornacs dorment à la belle étoile sur des terres prêtées par des locaux auprès de l'animal.


[Près de Magura, Bangladesh] Une villageoise hindouiste se fait bénir par Rashmoni. Si l'éléphant est un formidable ambassadeur pour la troupe du Lion Circus, il est aussi un animal sacré dans l'hindouisme, la religion d'environ 8 % du peuple bangladais.
[Banaripara, Bangladesh] Un riverain se rend au marché flottant de Banaripara, dans le district de Barisal. Le Bangladesh est un pays sillonné de fleuves et de rivières. Historiquement, la voie fluviale a été privilégiée pour les déplacements comme pour les échanges commerciaux.





[Magura, Bangladesh] Pour élever les deux mâts métalliques qui soutiendront la toile du chapiteau, les techniciens utilisent de grandes tiges de bambou qu'ils poussent progressivement. Les moyens utilisés pour le montage sont rudimentaires ; ils requièrent une quinzaine de techniciens pendant une semaine.


[Magura, Bangladesh] Le technicien Shakil, 18 ans, remplit des bouteilles d'eau potable dans un établissement islamique à proximité du chapiteau. Les jeunes techniciens comme les jeunes artistes du cirque ne sont pas scolarisés. A contrario, les écoles coraniques logent et nourrissent beaucoup d'enfants.


[Magura, Bangladesh] L'artiste Tuntuni, 7 ans, s'amuse pendant que la troupe construit les dortoirs en tôle. Un logement est octroyé à chaque famille, et des logements collectifs sont construits pour le reste des artistes, les techniciens, et le personnel du cirque. Derrière ces cabanes, des murs métalliques forment une enceinte autour du chapiteau, permettant à la troupe de gagner une certaine intimité. Même si de nombreux curieux viennent observer le montage du chapiteau, l'arrivée de la troupe n'est pas toujours bien perçue. « Certaines personnes voient l'arrivée des circassiens dans leur ville d'un mauvais œil. De manière générale, nous ne sommes pas bien acceptés dans la société », rapporte le clown Sri Ram.


[Magura, Bangladesh] Kiran Sankar Nihoy, le fils du propriétaire du cirque, supervise le déroulement du montage du chapiteau, alors que le chef cuisinier Ismail et son commis Bulbul préparent le dîner. Pour ses autres activités d'avocat et de bijoutier, il se rend régulièrement à la capitale, Dhaka. Son père est aussi propriétaire de l'Olympic Circus et du Shadhona Circus, deux cirques de plus petite taille que le Lion Circus, qui est à l'heure actuelle le plus grand cirque en activité au Bangladesh. La famille Sankar Nihoy gère et exploite le Lion Circus depuis sa création en 1885.


[Magura, Bangladesh] Les techniciens Rezaul et Shakil, aidés par le clown Sri Ram, installent le panneau sous lequel les artistes entreront sur la scène. Étant rémunéré mensuellement et non de manière journalière, Sri Ram se doit de prêter main forte aux techniciens.


[Barguna, Bangladesh] L'artiste Beauty prépare du poisson sous le regard intéressé de Mogontack. Ce Marabout chevelu participait auparavant à un numéro du cirque. Depuis sa blessure à l'aile gauche, il accompagne la troupe mais ne participe plus aux spectacles.


[Barguna, Bangladesh] Les techniciens remontent la toile du chapiteau qu'ils avaient repliée en raison de l'arrivée du cyclone Sitrang, survenu dans la région à partir du 22 octobre 2022 et qui fit 35 morts dans le pays.


[Barguna, Bangladesh] Effectuant un nouveau montage tous les mois, les techniciens sont très organisés. Mais la toile du chapiteau étant gorgée d'eau suite au passage du cyclone, son hissage requiert plus de personnes.
[Barguna, Bangladesh] Assis sur la cage métallique servant pour le numéro de la « Boule de la mort », le jeune technicien Shakil aide à tendre la toile pour la fixer au sol lors du montage du chapiteau. En raison de la chaleur étouffante, les techniciens ne travaillent que durant les premières et les dernières heures du jour.





[Barguna, Bangladesh] Beauty vit dans le Lion Circus depuis sa naissance. Elle est mariée à l'ancien cornac Mujibur Rahman qui, depuis la mort de son éléphant en septembre 2022, se retrouve sans emploi. Leur fils vit chez les parents de Beauty dans sa ville natale de Kurigram, située dans le Nord du pays. « Depuis la mort de l'éléphant de mon mari, nos revenus ont été divisés par deux », témoigne l'artiste qui n'en demeure pas moins passionnée par son travail.


[Magura, Bangladesh] Photo de famille des circassiens Beaty, Rosina, Tuntuni, Roni et Babul (de gauche à droite). Engagés à l'année dans le cirque, ils n'ont pas d'autres revenus complémentaires comme certains artistes engagés de façon journalière et ayant un travail en dehors du cirque. Cependant, lorsque le cirque est à l'arrêt, comme lors de la saison des pluies ou comme ce fut le cas pendant deux ans en raison du Covid-19, ils continuent à toucher leur salaire.


[Magura, Bangladesh] Derrière le chapiteau, l'ancienne actrice Munmun Akhter Liza, alias Moyuri, joue la comédie avec les circassiennes de la troupe. Icône du cinéma bangladais dès la fin des années 1990, elle a arrêté sa carrière d'actrice à partir de 2007 pour se consacrer à la danse. Pour attirer plus de public, les spectacles des jeudis et vendredis soirs finissent par la danse de deux acteurs renommés.


[Barguna, Bangladesh] Tuntuni, 7 ans, s'entraîne pour son numéro de voltige. Fille du clown Babul et de l'équilibriste Rosina, elle est née dans le Lion Circus où elle a appris dès son plus jeune âge l'art du cirque en compagnie de son frère Roni et sa sœur Beaty. Plusieurs familles de circassiens cohabitent au sein du cirque, et les enfants des différentes familles se considèrent comme frères et sœurs.


[Barguna, Bangladesh] Le clown Sri Ram, qui se maquille dans sa chambre, se recueille devant l'encens apporté par le technicien Goljar Rahman. Si la fumigation permet d'éloigner les moustiques, elle est devenue un rituel sacré pour les artistes. Comme Sri Ram, un tiers de la troupe du Lion Circus est hindouiste, tandis que les deux-tiers sont musulmans.


[Barguna, Bangladesh] Le public a le choix entre une place à 200 takas (2 euros) près de la scène, ou une place à 100 takas sur les gradins. Pour faire fonctionner le cirque et payer la troupe, les frais sont d'environ 52 000 takas par jour (520 euros), sans compter les taxes versées aux autorités locales pour avoir la permission d'installer le chapiteau.
[Barguna, Bangladesh] Le clown Sri Ram, 31 ans, s'apprête à attraper le trapèze lors de son numéro de voltige. Il a commencé à travailler dans les cirques à l'âge de 9 ans et est passé par 7 cirques différents depuis le début de sa carrière. Travaillant au sein du Lion Circus de manière permanente, et non journalière comme certains des circassiens, Sri Ram a un salaire de 21 000 takas par mois, soit environ 210 euros. Ce salaire se situe légèrement sous le salaire moyen national, de 228 euros par mois en 2023.





[Barguna, Bangladesh] Les spectateurs observent un numéro de voltige sous le chapiteau. Ici, lors d'une représentation débutée à 18 heures le vendredi, jour férié pour les musulmans, les gradins sont pleins. Alors que les familles sont toujours au rendez-vous, ce sont surtout les adolescents et les jeunes adultes qui, depuis quelques années, se désintéressent du cirque.


[Barguna, Bangladesh] L'artiste Parul lance des couteaux enflammés autour de Beaty qui est accrochée à une planche en bois qu'un technicien fait tourner sur elle-même. Les numéros des cirques bangladais ont été inspirés par les cirques russes qui venaient souvent tourner au Bangladesh au milieu du XIXème siècle.
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LE PHOTOGRAPHE LUCIEN MIGNÉ
Basé à Marseille, Lucien réalise des reportages qui explorent les mécanismes humains, sociaux et environnementaux qui façonnent notre monde actuel. Après plusieurs années de voyages pendant lesquelles il a aiguisé son œil de photographe, il a entrepris des études de cinéma et réalisé plusieurs courts-métrages. Il s'est ensuite tourné vers la photographie documentaire, dans la continuité de son approche de cinéaste : celle de raconter des histoires avec des images.