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3000 MÈTRES À L'AVEUGLE
MASSIF DU VIGNEMALE, PYRÉNÉES, FRANCE © LUCAS SANTUCCI / AGENCE ZEPPELIN
Gravir un sommet de plus de 3000 mètres d'altitude avec les yeux bandés vous paraît impossible ? Un groupe de malvoyants accompagnés de leurs chiens guides l'ont fait. Isabelle et Jérôme suivent deux trajectoires atypiques. Au cours de leur vie, plusieurs maladies leur ont fait perdre la vue. Une période difficile à surmonter, même si ce verdict avait été annoncé depuis plusieurs années par leurs médecins. Comme dans d'autres types de perte, ils ont dû faire face à plusieurs étapes : le déni, la colère, la dépression ou la reconstruction. Aujourd'hui, ils sont parvenus à la phase d'acceptation qui leur permet de continuer une vie presque normale.
Le chien redonne la liberté perdue

La possibilité de bénéficier d'un chien guide permet aux non-voyants de gagner une forme d'autonomie. C'est l'Association des chiens guides d'aveugles Grand Sud-Ouest (Toulouse) qui a formé les chiens d'Isabelle et de Jérôme, respectivement Fakir et Iron. Dans leur phase de reconstruction et d'acceptation, la mobilité devient un enjeu majeur, et le chien permet de retrouver une liberté perdue. Grâce à son éducation et son intelligence, l'animal peut guider et prévenir son maître des dangers qui l'entourent. Formé pour se déplacer en ville, il marque un arrêt à chaque difficulté et peut chercher un banc, un escalier ou une porte sur les ordres de son maître.


Gravir une montagne

Pour aller plus loin, l'Association des chiens guides d'aveugles a organisé l'ascension d'un sommet de 3032 mètres dans les Pyrénées : le Petit Vignemale. Deux jours où Isabelle et Jérôme, ainsi que deux autres personnes à déficience visuelle, sont sortis de leur zone de confort pour réaliser un exploit hors norme : 15 heures de marche, plus de 1500 mètres de dénivelé, une nuit en refuge, et tout ça sans savoir où ils mettent les pieds. Les chiens, bien que non formés à ce type de terrain, sont leurs premiers guides. Par instinct, ils trouvent entre les roches le chemin le plus accessible pour leurs maîtres. Le succès de cette aventure laisse entrevoir que rien n'est impossible pour Jérôme et Isabelle dans leur nouvelle vie.


Poursuivre ses rêves

Pour Isabelle comme pour Jérôme, le plus important est de continuer à vivre, d'aller de l'avant. Aujourd'hui, Isabelle se maquille le matin, jardine et fait du sport. Elle rêvait de savoir jouer d'un instrument de musique : c'est chose faite avec l'apprentissage de la guitare. Quant à Jérôme, comme tout le monde, il part faire son marché à pied, cuisine, s'investit dans des associations. Il y a quelques années, en tant que président d'un club de rugby, son équipe est même devenue championne de France amateur. L'ascension de cette montagne est une étape supplémentaire dans l'acceptation de son handicap et son dépassement.


Surmonter le regard de la société

Malheureusement, les histoires des personnes devenues non-voyantes ne sont pas toujours aussi heureuses que celle d'Isabelle et Jérôme. Le regard des personnes valides sur le handicap est parfois pesant et ne permet pas aux personnes déficientes de s'affirmer et de s'intégrer dans la société. Le handicap ne les condamne pas à la passivité, bien au contraire. Leur autonomie est bien plus importante qu'on ne le pense, et avec très peu d'aide, ils peuvent réaliser de grandes choses.

© LUCAS SANTUCCI / AGENCE ZEPPELIN





LE PHOTOGRAPHE LUCAS SANTUCCI
D'abord ingénieur agronome, puis photo-journaliste, Lucas a intégré l'équipe d'Under The Pole comme responsable logistique et partenariat. Il a embarqué pour 18 mois d'expédition au Groenland dans la promiscuité d'un voilier où il s'est affirmé comme photographe terrestre et sous-marin. Après avoir documenté 9 mois de navigation qui l'ont amené à 80°Nord, Lucas a vécu l'hivernage pris dans les glaces, à quelques kilomètres d'un village de chasseurs-pêcheurs.