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LAIT DE CHAMELLE UN MARCHÉ PROMETTEUR
MAUBEUGE + MONTPELLIER, FRANCE  •  PHOTOS © ZEPPELIN
Les demandes sont continues, mais systématiquement rejetées : « Je n'ai pas le droit de vous vendre du lait ! » déplore Julien Job. Un comble pour cet éleveur qui fait tout pour développer la filière laitière des camélidés. Installé à Feignies, près de Maubeuge, l'entrepreneur est soutenu par l'Union européenne, mais c'est au niveau national que ça coince. Plébiscitée au Salon international de l'agriculture, son exploitation n'avait pendant longtemps qu'une vocation pédagogique, mais désormais, il voudrait vendre le lait pasteurisé de ses chamelles [le nom générique comprend les dromadaires]. Les bienfaits de ce lait sont nombreux, et même s'il est moins allergène que le lait de vache, il n'est pas encore permis d'en produire dans l'Hexagone. En espérant un prochain amendement, Julien Job met en place le process de sa future production laitière. Il trait à la main pour évaluer le comportement de ces grands mammifères qui le passionnent : « Ce n'est pas qu'une trayeuse électrique coûte cher, c'est qu'on ne saurait pas quoi faire de tout ce lait ! » ironise le Nordiste qui élève désormais le plus gros cheptel de France.

Quelques semaines plus tard, nous le retrouvons au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) à Montpellier. Avec 38 litres de lait, c'est là qu'il veut mettre au point un fromage pasteurisé. Il est aidé de Bernard Faye, un vétérinaire chercheur spécialiste des camélidés, et de Gaukhar Konuspayeva, professeure de biotechnologie alimentaire et chercheur visitant au CIRAD sur le thème du développement de la filière lait de chamelle.
UN ÉLEVAGE INSOLITE
Julien élève une soixantaine de dromadaires et une dizaine de chameaux, constituant le plus gros cheptel de France. Éleveur depuis 2012, date à laquelle il avait recueilli et soigné une petite chamelle de 2 ans, il veut maintenant initier une filière laitière en France.





Julien surveille le mâle dromadaire qui est en rut. L'animal de 800 kilos s'interpose systématiquement entre l'éleveur et les femelles. La bave aux lèvres, il blatère bruyamment pour repousser les rivaux qu'il menace de mordre.


Quand ils ne paissent pas l'herbe grasse des prairies, les chameaux sont nourris au foin, au pain et aux carottes.
Dès qu'ils rejoignent le pâturage, les dromadaires se dégourdissent les jambes. Ici les femelles se roulent dans la terre pour se débarrasser de leurs parasites, tandis que sautillent leurs chamelons surexcités.





Une chamelle refuse de laisser son petit la téter. Sa mamelle, qui a beaucoup grossi pendant la nuit, est devenue douloureuse. Julien et Matthieu décident de lui passer un licol pour la contraindre à allaiter.


Le chamelon tête l'un des quatre trayons de sa mère. Une femelle donne théoriquement 5 litres de lait par jour.
UN PROCESS EN RODAGE
Aubry trait une chamelle à la main. Il reçoit de violents coups de pattes et ne parvient pas à tirer plus d'un litre de lait. Les conditions sanitaires sont encore approximatives, mais sans conséquence puisque le lait produit en France ne peut être vendu à la consommation.





De l'ocytocine est administrée à la chamelle pour stimuler l'éjection du lait de sa glande mammaire. D'abord réticent, l'animal doit comprendre que la traite ne prive pas pour autant son bébé.


Après quelques jours, les chamelles allaitantes commencent à s'habituer à la traite. Ici, Alban verse le précieux lait dans une bouteille.
Julien n'envisage pas de retirer aux chamelles leurs bébés. D'ailleurs s'il le faisait, elles arrêteraient aussitôt la lactation. Dans son processus de production, il prévoit donc de laisser, comme ici, le chamelon téter pendant la traite.





Pour espérer vendre le lait de ses chamelles, Julien doit mobiliser des politiques pour amender la loi française. Aujourd'hui, même s'il est pasteurisé, le lait de dromadaire ne peut être commercialisé.


Julien congèle le lait du jour avant de l'expédier pour la production de « Savon traditionnel enrichi au lait de chamelle ». C'est à ce jour la seule exploitation autorisée par l'État français.
ÉLABORATION D'UN FROMAGE
Au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) à Montpellier, Julien a la ferme intention de faire du fromage avec le lait de ses chamelles. Il est aidé de Bernard Faye, un vétérinaire chercheur spécialiste des camélidés, et de Gaukhar Konuspayeva, professeure de biotechnologie alimentaire et chercheur visitant au CIRAD sur le thème du développement de la filière lait de chamelle.





Des ferments sont rajoutés dans le lait pour accélérer son acidification. Ce « starter » provoque le développement exponentiel des bactéries lactiques qui se battent contre les bactéries pathogènes. Ici, Gaukhar en verse 3,8 grammes dans 38 litres de lait : « Si l'on voulait du maroilles, il faudrait des ferments de type maroilles… Reste qu'avec le lait de chamelle, on ne sait pas vraiment quoi choisir ! À terme, ce sera à Julien de décider du goût qu'il veut donner à son fromage », explique la scientifique enthousiaste.


Trois minutes après l'emprésurage, le lait à 40°C commence à cailler. Gaukhar pose un couteau à la surface pour vérifier, expliquant à Julien combien le caillé est fragile. Une demi-heure plus tard, c'est lui qui coupe le lait durci en gros cubes à l'aide d'un tranche-caillé. Il s'agit d'écarter le lactosérum qui remonte à la surface de la cuve. À terme, Gaukhar voudrait valoriser ce « petit lait » car il est plus riche que celui de la vache. Elle espère pouvoir faire de la ricotta avec, sinon le proposer en l'état.


Le fromage est égoutté avec les moyens du bord. Dans une bassine, il est ensuite pressé pendant 2 heures sous une quinzaine de kilos (2 bars). À terme, des 38 litres de lait issus de 3 chamelles traites pendant 2 jours, Julien obtient 4 kilos de fromage de type halloumi.


Déshabillé de son sac en tissu, le fromage est tranché en gros morceaux afin de le pasteuriser. Chaque morceau est baigné dans le lactosérum porté à 80°C, puis dans la saumure. Cette dernière étape est révélatrice de la qualité du lait (hygiène, fraîcheur et conditions de transport). Ici c'est un succès.
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LES PHOTOGRAPHES  ZEPPELIN
Géographes et photojournalistes, Bruno VALENTIN et Julien PANNETIER ont fondé ZEPPELIN en 2008. Ils voyagent pour comprendre comment les Hommes gèrent et utilisent l'espace. Ils travaillent main dans la main pour réaliser des reportages et les proposer à la presse française et internationale. Du golfe du Bengale à l'aiguille du Midi, des moines de la Grande Chartreuse aux officiers de la Marine nationale, ils signent toutes leurs images ZEPPELIN.