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FÊTE DE L'OURS LES FEMMES SORTENT LES GRIFFES
PRATS-DE-MOLLO-LA-PRESTE, PYRÉNÉES-ORIENTALES, FRANCE  •  PHOTOS © JOANNA MARCHI / AGENCE ZEPPELIN
« Quand tu revêts la peau de l'ours, tu n'es ni femme ni homme, mais simplement un animal », confie Céline, pionnière en son genre de la Fête de l'Ours. Depuis la nuit des temps, cet événement païen marque l'arrivée du printemps et lance les festivités du carnaval. À Prats-de-Mollo-la-Preste, un bourg catalan niché dans le Haut-Vallespir, cette tradition est quelque peu bousculée par un groupe de villageoises. Pour la quatrième année consécutive, Lucie, Fabienne, Céline et leurs acolytes tentent de faire évoluer cet héritage, s'appropriant les personnages de la fête jusque-là joués exclusivement par des hommes. Ces « Ourses à Paillettes », tel qu'elles se désignent, ne reculent devant rien, pas même face à la réticence des habitants et de leurs élus.
Inscrite au Patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO depuis 2022, la Fête de l'Ours attire chaque année un public plus large. Elle consiste, pour une poignée de villageois, à interpréter une légende locale au mois de février. Le scénario est simple : un ours sort de son hibernation et enlève une jeune fille ; il l'emmène dans une caverne pour lui ôter sa virginité ; des chasseurs interviennent, libèrent la victime et capturent l'animal avant de l'abattre.
D'autres personnages participent à cette fable haute en couleur, comme les barbiers chargés de raser l'animal pour lui rendre sa nature humaine. Récemment, des bergères ont même été inventées de toute pièce pour accompagner l'ours et galvaniser la foule. Sans doute une façon d'inviter les femmes à prendre part au spectacle des hommes. Toujours est-il qu'aucune d'entre elles n'a la permission d'interpréter un barbier, un chasseur et encore moins un ours. Une discrimination qui n'est pas du goût de tout le monde, ou comment faire coïncider patrimoine culturel et inclusion sociale.

Joanna Marchi
LA PHOTOGRAPHE  JOANNA MARCHI
Diplômée d'un master en journalisme, Joanna débute sa carrière en radio. Globe-trotteuse depuis son plus jeune âge, elle attrape le « virus polaire » en 2021, lors de sa première croisière d'expédition au pôle Nord en tant que photographe. Depuis, elle partage son temps entre l'Arctique et l'Antarctique, perfectionnant son art de la photographie animalière et tissant des liens forts avec les communautés inuites. Joanna consacre également une partie de son travail à documenter des métiers ancestraux et des traditions familiales en voie de disparition, préservant ainsi leur mémoire à travers ses reportages.