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Ingénieur agronome de formation, Lucas se voyait pourtant travailler dans le milieu de l'œnologie. Mais pendant ses études, il consomme et découvre beaucoup de variétés de thé, faisant de cette plante une de ses nouvelles passions. « Pendant mon année de césure, entre 2018 et 2019, je suis parti 7 mois en Asie pour réaliser différents stages et missions associatives autour du thé. Avant de partir, j'ai planté dans le jardin de la maison 25 plants de théiers, juste pour voir. Au cours de mon périple qui débuta sur les îles de Java et de Bali, puis au Laos, j'ai étudié le potentiel de plusieurs villages dans le développement d'une filière thé en forêt ». Ainsi observe-t-il la culture de diverses variétés, et petit à petit, l'élaboration de différents thés. Comme un livre ouvert, il apprend. « Quand je suis rentré, je n'étais toujours pas convaincu que cette plante avait sa place dans les Pyrénées, mais j'avais trouvé une motivation », confie celui qui a poursuivi ses expérimentations. Depuis il transforme l'essentiel de sa récolte en un thé blanc, très fin et soyeux, avec des petites feuilles qui sèchent bien naturellement. Le thé noir qu'il produit a, quant à lui, davantage de corps grâce à sa deuxième feuille et un goût différent que lui apporte l'oxydation. Inspiré par une pratique japonaise, il expérimente également du thé jaune, élaboré à partir des rameaux issus de la taille. « D'ici 2028 je compte planter 1500 pieds de plus en espérant rentrer dans la pleine production des plants et récolter près de 300 kilos de thé séché, toutes productions confondues. Je cherche également à développer la filière sur les Pyrénées afin de mettre en commun certains aspects de la production, et créer un collectif sur le thé dans nos montagnes ». Jamais à court d'idées, Lucas souhaite également réhabiliter la grange qui se trouve sur son terrain pour en faire un lieu à la fois d'habitation, de transformation du thé, et un espace dégustation-vente. S'il dédie d'abord ses premières récoltes à ses parrains et marraines qui l'ont aidé à l'aube de son projet, sa production est petit à petit disponible dans certaines boutiques de Pau, Bordeaux, Paris ou encore Lille. Professeure de physique sur Toulouse avant de se mettre en disponibilité en 2018, Mylène regagne les montagnes qui l'ont vu naître. Cette année-là, avec son mari, elle fait l'acquisition d'une souline, maison typique du Pays de Soule, et un hectare de terrain. Opportunément, elle décroche un diplôme d'électricienne qui lui permet de travailler. En 2019, au cours d'un voyage au Japon, elle visite une plantation de théiers qui lui donne envie de tester cette plante dans le Pays basque. L'hypothèse que Camellia sinensis puisse se plaire sur les versants de la Soule lui est suggérée par la similitude des lieux. C'est ainsi qu'à l'automne 2020, elle plante 500 théiers autour de l'habitation. L'idée a pris racine. Pour arriver sur l'exploitation, mieux vaut avoir le sens de l'orientation. Les routes étroites enlacent les pentes douces, égarant le visiteur de croisements en intersections. La parcelle se trouve à 600 mètres d'altitude, orientée nord-est. Ici, l'amplitude thermique est grande, atteignant -10°C en hiver, mais les plants de thé ont su s'adapter. Cet arbuste est, en effet, suffisamment rustique pour ne pas trop craindre les grands écarts de température. Au contraire, il semble les apprécier, comme en témoignent les meilleurs thés produits dans des climats aux saisons très marquées. Mylène a l'esprit d'entrepreneuse. En deux ans, elle plante encore 4 000 théiers d'une dizaine de variétés, notamment du Trévarez qui s'est avéré être le mieux acclimaté aux montagnes de la Soule. « J'ai pris le parti d'attendre 2025 pour proposer mes thés à la vente. Les plants auront alors cinq ans, ils auront grandi et la taille se fera plus facilement. J'espère également que la production approchera les 20 grammes de thé séché par pied et par saison. La commercialisation se fera principalement en local », ambitionne Mylène qui fait déjà partie de l'association Idoki, un label basque qui promeut l'agriculture paysanne en vente locale. Pour l'heure, quand elle n'est pas sur l'un de ses chantiers dispersés dans le Sud-Ouest, elle entretient soigneusement ses arbustes, cueillant des bourgeons de-ci, de-là, pour faire des tests. « J'ai bien l'intention de retourner au Japon pour perfectionner ma technique de transformation », prévient l'autodidacte qui souhaite proposer les saveurs qui lui correspondent. « Pour l'instant, j'élabore des thés qui pourraient composer ma gamme destinée à la vente. Je viens de valider un thé d'automne, un thé noir aux fleurs de théiers qui lui apportent une douceur légèrement sucrée ». Dans un premier temps, elle veut développer une gamme de thés verts et noirs, mais elle ne s'interdit pas, dans quelques années, de réaliser d'autres types de thés, dont le climat de la Soule amènera, à n'en pas douter, son caractère si particulier. Titulaire d'une licence de Biologie des organismes et des écosystèmes, avec option viticulture, Mikel avait avant tout l'envie de devenir paysan. «D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu exprimer mon attachement à la terre et au territoire basque », confie l'enfant du Pays. Mikel a successivement été soigneur d'animaux sauvages, enseignant de langue basque au sein de l'association AEK, avant de croiser par hasard la route du thé. « En 2019, après un voyage instructif aux Açores, je me suis mis à chercher des informations sur Camellia sinensis », raconte le passionné qui savait déjà que le Camélia du Japon, plante d'ornement du même genre, s'épanouit dans bon nombre de jardins du Pays basque. « À l'automne 2020, j'ai trouvé un spécialiste à Mazamet, dans le Tarn, à qui j'ai acheté plusieurs plants. Je disposais déjà du terrain que me loue la commune d'Ustaritz, c'est donc là où j'ai grandi que j'ai planté mes premiers plants issus de graines ». Il quitte l'emploi qu'il occupe depuis deux ans, achète de nouveaux plants de thé, et s'installe en tant que jeune agriculteur au printemps 2021. Aujourd'hui, et après beaucoup de travail, Mikel s'occupe seul d'environ 6 000 plants de thé de différentes variétés, répartis sur trois parcelles. Il transforme ses bourgeons en un thé vert très floral, et en thé noir plus gourmand « avec des notes miellées de châtaigne ». À l'horizon de 2030, son potentiel théorique de production sera de 150 kg de thé sec par an. Cependant, il souhaite garder un équilibre, économiquement et humainement, afin de préserver la qualité de ses produits. « Je ferai un bilan quand j'atteindrai les 80-90 kilos », confie prudemment celui qui ne cherche pas non plus à produire toutes les couleurs de thé. « À mon sens, il est bon de se spécifier dans une couleur pour produire le meilleur produit possible. Le thé vert reste ma priorité, mais le noir est très consommé, donc j'en produit tout autant. Quant au thé blanc, si je m'y intéresse, la demande est moindre car il est affaire de connaisseurs ». Connu sous la marque Ilgora, qui signifie « lune montante » en basque, l'agriculteur distribue ses produits notamment par l'intermédiaire de la Maison Deuza, à Saint-Jean-de-Luz, et diverses associations locales. « Ma plus grande surprise a été de constater l'engouement pour le thé local… Aujourd'hui la demande dépasse l'offre ! » s'enthousiasme celui avec qui désormais, les salons de thé prennent directement contact. Pascal Thole
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