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THEYYAM HÉROS ÉTERNELS DU KERALA
RÉGION DE KANNUR, KERALA, INDE © VINCENT ESCHMANN / AGENCE ZEPPELIN
Incarner un dieu pendant quelques heures c'est, au nord du Kerala, le meilleur moyen d'apporter sa prophétie. Dans cet État communiste, le plus développé de l'Inde, les anciennes figures animistes n'ont pas pris une ride. Près de 450 theyyams sont ainsi intégrés au panthéon hindou, autant de divinités auxquelles les communautés rurales dédient des prières, des temples et des cérémonies. Chaque année, de fin novembre à début mai, toutes les castes se rassemblent pour honorer leurs héros lors de rituels colorés et envoûtants.
[Moonnampalam, Kerala, Inde] Une incarnation du dieu Gulikan sous sa forme primaire (velata) tient dans ses mains le feu sacré lors d'un rituel theyyam au temple de Kallyadan Thekkeveed Kalaristhanam.





[Moonnuperiya, Kerala, Inde] Avant l'aube, une incarnation du dieu Gulikan est guidée par le feu sacré du prêtre jusqu'au temple de Viswakarma. Le kavu, petit temple sur la droite de l'image, renferme l'esprit et les attributs de Gulikan qui, une fois honoré par le rituel, apportera sa prophétie aux fidèles à travers son interprète en transe.


[Kadnur, Kerala, Inde] Incarnation du dieu Muttappan lors d'un rituel theyyam au temple de Thottumughath Madappura. Puisque son regard « apporte la destruction », ses yeux ont été masqués et il doit être guidé par un prêtre lors du rituel. Muttappan est aujourd'hui l'un des theyyams les plus vénérés au Kerala.


[Alavil, Kerala, Inde] Issu des anciennes croyances des Dravidiens qui occupaient le sud de l'Inde il y a trois millénaires, le dieu Gulikan aurait inspiré la représentation actuelle du dieu Shiva : son rôle mythologique est de protéger les intouchables. Il est aujourd'hui l'un des theyyams les plus vénérés du Nord-Kerala.


[Kadnur, Kerala, Inde] Incarnation du dieu Thiruvapaan lors d'un rituel theyyam au temple de Thottumughath Madappura, à gauche un assistant tient une lampe à huile allumée du feu sacré. Les rituels theyyams requièrent la participation de différentes castes, abolissant momentanément ce système d'exclusion sociale.
[Chalad, Kerala, Inde] Incarnation du dieu Theechamundy lors d'un rituel theyyam au temple de Kunnath Bavoor Karingali. Conduit par des assistants, Theechamundy doit être jeté à 120 reprises dans un grand brasier afin d'assurer la prospérité de l'année à venir. S'il réussit, le kolakkaran (l'interprète du dieu) sera honoré d'un bracelet en or massif.





[Mundayad, Kerala, Inde] Incarnation du dieu guerrier Kudiveeran sous sa version primaire lors d'un rituel theyyam au temple de Nambandi. Au rythme des percussions, Kudiveeran exécute une danse acrobatique aux allures de combat jusqu'à atteindre le sadhana (transe extatique).


[Chalad, Kerala, Inde] Incarnation du dieu Theechamundy lors d'un rituel theyyam au temple de Kunnath Bavoor Karingali. Après 80 passages sur le brasier, le kolakkaran (l'interprète du dieu) s'évanouit dans les bras des fidèles extatiques. Il n'a pas supporté la totalité du rituel.
[Thottada, Kerala, Inde] . Scène de pêche depuis les rochers qui ponctuent la plage. Dirigé par le Parti communiste depuis 1957, le Kerala est aujourd'hui l'État le plus développé de la fédération indienne (IDH élevé, protection sociale universelle, éducation gratuite).





[Kannur, Kerala, Inde] Scène de rue devant un mosquée dans la périphérie de Kannur qui, avec 70 000 habitants, est la principale ville du Nord-Kerala. Bien qu'officiellement rattaché à l'hindouisme, le culte des theyyams est exclusivement pratiqué cette région majoritairement musulmane.


[Près de Kannur, Kerala, Inde] Prière matinale pour un couple de fidèles dans un temple hindou. Derrière les arbres, se trouve un autre temple dédié à plusieurs déités theyyams. Leur culte, primitif à toute autre religion en Inde, s'est intégré au panthéon hindou lors de la diffusion de l'hindouisme.
[Kannur, Kerala, Inde] Valsan est astrologue professionnel. Sur la table de son bureau est dessiné à la craie le calendrier malayalam. Instauré en 825, ce calendrier solaire et sidéral est toujours utilisé au Kerala pour définir la date et l'heure de l'ensemble des célébrations hindoues. Ici à droite, Kurian, un villageois, est venu le consulter au sujet d'un rituel theyyam. L'astrologie permet aux hindous de trouver des réponses à leurs interrogations quotidiennes. En consultant les astres, Valsan peut ainsi définir l'emplacement d'une maison, la date d'un mariage ou encore le métier d'un futur enfant.





[Thottada, Kerala, Inde] Désigné par la communauté hindoue, Vineshan est chargé de bâtir et d'entretenir les kavus, temples en l'honneur des theyyams. Bien que de petite taille et très sobre d'apparence, l'autel principal d'un kavu nécessite l'emploi de trois essences de bois, et six mois de travail pour le charpentier-menuisier. Les sculptures et des ornements en teck sont réalisées un peu plus de deux mois.


[Thottada, Kerala, Inde] Un villageois contemple un kavu. Au sommet de la charpente, on distingue la figure bleue de Kimpurusha, fils de la déesse Terre, qui ouvre ses bras pour embrasser l'univers. Cet autel renferme l'esprit et les attributs du dieu (theyyam). Il est exclusivement ouvert pour les cérémonies qui lui sont dédiées. Sur la droite, une pierre sacrée, refuge de l'esprit d'un autre theyyam.


[Kathirur, Kerala, Inde] Un père de famille de confession hindoue allume une lampe à huile, symbole spirituel hindou, devant sa maison. Il se rendra ensuite au sein du village pour participer avec sa famille à un rituel theyyam. C'est un moment important pour cette famille dont les générations se retrouvent pendant deux jours pour rendre un culte aux theyyams.


[Alavil, Kerala, Inde] Dans son salon, Nasumathi dédie un autel aux dieux hindous. Au milieu des icones, on distingue en rouge la représentation d'un theyyam. Ce culte populaire, primitif à toute autre religion en Inde, s'est intégré au panthéon hindou lors de la diffusion de l'hindouisme. Loin d'avoir disparu, il est encore aujourd'hui pratiqué avec ferveur.
[Kathirur, Kerala, Inde] Les kolakkaran (ceux qui interprètent les dieux) se préparent avant un rituel theyyam au temple de Kuniyil Mandoth. Leurs assistants s'occupent des costumes et des maquillages sur leurs corps le plus souvent endormis. En arrière-plan, on distingue les pièces des costumes cérémoniels.





[Moonnuperiya, Kerala, Inde] Réalisation d'un maquillage facial (mugathezhuthu) sur le visage d'un kolakkaran (l'interprète d'un dieu) avant un rituel theyyam au temple de Viswakarma. Chaque dieu a son propre mugathezhuthu, mais souvent d'inspiration végétale ou animale. Il est réalisé à partir de pigments naturels et nécessite plusieurs heures de travail minutieux.


[Moonnapalam, Kerala, Inde] Un assistant confectionne des offrandes au temple de Kalladan Thekkeveed. Avant les cérémonies theyyams, un astrologue définit le genre et la quantité d'offrandes nécessaires pour satisfaire le dieu. Elles sont ensuite fabriquées à partir de matériaux d'origine végétale, ou symboliques comme la plume de paon, associée à la bonté et à la bonne fortune dans l'hindouisme.
[Kathirur, Kerala, Inde] Des villageois se rendent en famille au rituel theyyam du temple de Kuniyil Mandoth. Cette saison entre les moissons de riz est propice aux cérémonies religieuses.





[Thalassery, Kerala, Inde] Deux femmes nettoient des feuilles de bananiers ayant servi d'assiettes pour le repas organisé pendant la cérémonie theyyam du temple de Kuloth Kuttchathan. Lors de ces rituels hindous de deux jours, les organisateurs fournissent les repas aux fidèles venus se recueillir.


[Mavilay, Kerala, Inde] Les villageois profitent d'une pause entre deux rituels theyyams pour parier quelques billets sur un tapis de roulette installé aux abords du temple de Kalladan Thekkeveed Kalaristhanam. Pendant deux jours, toutes les générations se réunissent pour vénérer les dieux et se détendre en famille.
[Moonnuperiya, Kerala, Inde] Incarnation du dieu Bali lors d'un rituel theyyam au temple de Viswakarma. En arrière-plan, le dieu Gulikan observe la scène. À gauche, le prêtre principal (anthithirian) porte les armes du dieu. À droite, les musiciens rythment la danse. En arrière-plan, le kavu, temple bâti en l'honneur de Bali pour abriter son esprit et son pouvoir.





[Thalassery, Kerala, Inde] Incarnation du dieu Agni Ghandakar lors d'un rituel theyyam au temple de Kuloth Kuttchathan. Le feu, symbole mystique puissant, est utilisé pendant les rituels pour purifier les énergies. Assis en arrière-plan, Kutti Sasthappan observe la danse en attendant son intervention lors du rituel.


[Thalassery, Kerala, Inde] Des musiciens guident le dieu Agni Ghandakar au temple de Kuloth Kuttchathan. Primordiale dans cette célébration, la musique est en constante variation, marquant les différentes étapes du rituel, tout en rythmant les pas du kolakkaran (l'interprète du dieu) pendant sa danse extatique.


[Moonnampalam, Kerala, Inde] Les femmes hindoues du temple de Kalladan Thekkeveed Kalaristhanam honorent d'offrande le passage du dieu Bhairavan, qui en retour bénit les fidèles.


[Moonnampalam, Kerala, Inde] En échange d'un don d'argent, des fidèles hindoues du temple de Kalladan Thekkeveed Kalaristhanam reçoivent la bénédiction du dieu Bhairavan, lors d'un rituel theyyam.
[Kannur, Kerala, Inde] Dans son salon, Jayanandan (à gauche), en compagnie d'un ami, passe en revue les apparats du dieu Vayanattukulavan disposés sur la table. Tous deux sont kolakkaran, c'est-à-dire danseurs professionnels et interprètes theyyams. Ils ont appris, dès leur plus jeune âge, la pratique de cet art rituel, même s'il leur a fallu ensuite une quinzaine d'années pour en maîtriser toutes les subtilités. De plus en plus rares, ces artistes sont beaucoup sollicités par la communauté hindoue et peuvent gagner, en une dizaine de rituels, de quoi vivre confortablement pendant un an.





[Kannur, Kerala, Inde] Divers ornements du dieu Vayanattukulavan sont disposés chez Jayanandan, le kolakkaran qui l'incarnera lors du prochain rituel theyyam. Fabriquées en argent, les chilambu sont des bracelets qui fonctionnent comme des grelots aux poignets et chevilles du danseur-interprète. Transmises à Jayanandan par son père, leurs formes et leurs motifs leur sont « apparus en rêve » comme à tous les autres kolakkaran de la lignée.


[Kannur, Kerala, Inde] Jayanandan et son père regardent les parures du dieu Vayanattukulavan qui pendent au mur de leur maison. Membre des Vannans, une subdivision de la caste des intouchables, Jayanandan a été choisi, comme son père, pour ses dons prémonitoires. Pendant 4 mois avant le début des rituels, les kolakkaran sont soumis à des règles d'hygiène strictes comme l'abstinence sexuelle ou l'interdiction de manger de la viande ou du poisson.
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LE PHOTOGRAPHE VINCENT ESCHMANN
Photographe professionnel, Vincent témoigne de la richesse culturelle de notre monde. Il rapporte des histoires contemporaines avec l'espoir de sensibiliser aux enjeux identitaires auxquels sont confrontés de nombreux peuples. Né à Strasbourg, Vincent est passionné de voyages depuis son plus jeune âge, mais ses pérégrinations ont pris une autre intensité avec la photographie documentaire. Empreints de curiosité et de respect, ses sujets le guident aujourd'hui dans de nombreux pays à la rencontre de communautés et de leur histoire.