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KRAMPUS DE LA PEUR À LA FÊTE
TYROL ET CARINTHIE, AUTRICHE  •  PHOTOS © VINCENT ESCHMANN / AGENCE ZEPPELIN
Chaque hiver, quand tombent les premières neiges, les ruelles du Tyrol et de la Carinthie s'emplissent de cloches, de cornes et de cris. Nés des croyances païennes, puis christianisés aux côtés de saint Nicolas, les Krampus et les Perchten symbolisent la lutte entre le bien et le mal. Plus effrayants que jamais, ces démons reviennent hanter les villages. Ils sont aujourd'hui les héros d'un folklore retrouvé, où la peur et la fête se confondent dans la mémoire collective.  LIRE LA SUITE
[Lienz, Tyrol, Autriche] Dans la nuit du 5 au 6 décembre, des villageois sont venus en famille pour rencontrer le personnage protecteur de saint Nicolas, mais aussi les Krampus chargés de « punir » les enfants ayant mal agi. Ce soir-là, la dualité entre le bien et le mal est omniprésente.





[Lienz, Tyrol, Autriche] La figure de saint Nicolas apparaît avec quatre enfants appelés Engel (anges), dont un porteur de croix, et un porteur du Goldene Buch (livre d'or) où sont inscrits les noms des enfants sages et des désobéissants. Pendant qu'ils distribuent des friandises, ils sont rejoints par les Krampus chargés de punir les « mauvais » enfants.


[Lienz, Tyrol, Autriche] Dans un vacarme de cloches et de cris, de jeunes hommes sont mis à l'épreuve du Tischheben. Il doivent résister à une bande d'hommes masqués qui tentent de les déloger de la table. Ce jeu fait référence à la visite traditionnelle des maisons par les personnages de saint Nicolas et de ses compagnons démoniaques, les Krampus.


[Rattenberg, Tyrol, Autriche] Des enfants s'amusent devant un tas de masques démoniaques. Habitués à ce folklore, ils participent aux festivités dès l'âge de 10 ans.


[Rattenberg, Tyrol, Autriche] Deux hommes déguisés en Krampus se reposent entre deux défilés. L'un porte une corne de brume en métal, l'autre un chapeau tyrolien.
PERCHTA ET PERCHTEN
[Rattenberg, Tyrol, Autriche] À la nuit tombée, les Perchten du Bock Pass (la troupe de boucs) défilent dans les rues du village. Ici, les grosses cloches traditionnelles ont été opportunément remplacées par des réservoirs de carburant de voiture pour faire office de tambours.





[Rattenberg, Tyrol, Autriche] Les Perchten sont chargés dans une bétaillère pour faciliter leur déplacement de hameaux en hameaux. Les costumes sont cousus à la main à partir de feuilles de maïs récoltées à la fin de l'été, puis soigneusement assemblées pour confectionner une tenue large, dans laquelle les participants doivent être solidement harnachés. Chaque costume pèse ainsi près de 25 kg.


[Breitenbach am Inn, Tyrol, Autriche] De maisons en maisons, les Perchten suivent le personnage de Frau Perchta, ou Berchta qui, dans le folklore germanique, est représentée sous les traits d'une vieille femme laide et en haillons. Célébrée entre le solstice d'hiver et le 6 janvier, cette grande dame de l'hiver récompense les femmes travailleuses et aidantes, tandis qu'elle punit les « mauvaises ».


[Breitenbach am Inn, Tyrol, Autriche] Des Perchten prennent place dans une maison pour effectuer une danse rituelle. Ils seront récompensés par des offrandes sous forme de collations, très souvent accompagnées de schnaps.


[Breitenbach am Inn, Tyrol, Autriche] À son domicile, Hermann Steinberger présente une photo de lui défilant en costume de Perchten. Sur la commode : quatre statuettes de Perchten autour d'une cinquième à l'effigie de Perchta.
SOUS LES YEUX DES MONSTRES
[Lienz, Tyrol, Autriche] Konrad Glänzer, spécialiste du folklore autrichien, regarde les masques de Krampus qu'il a fabriqués avant de prendre sa retraite. À raison de 40 heures de travail par masque, cet artisan en fabriquait une soixantaine par an dans un style propre à la région. Il possède également des costumes de Krampus, d'Engel, de Christkindel et de saint Nicolas qu'il loue pour les cérémonies.





[Lienz, Tyrol, Autriche] Konrad Glänzer présente un ouvrage qu'il conserve sur les traditions locales. Sur l'image en haut à gauche, on le voit en train de tailler un masque de Krampus. En bas à droite, une scène du Tischheben (jeu de la table) montre la visite des personnages de saint Nicolas et des Krampus dans une maison.


[Innsbruck, Tyrol, Autriche] Gundula Darlap-Madersbacher, commissaire d'exposition au BTV Innsbruck-Stadtforum, présente une œuvre de Kurt Tong figurant la face intérieure des masques de Krampus. Cet artiste hongkongais travaille sur la dualité, notamment le Yin et Yang, qu'il a retrouvée dans le folklore autrichien.
DES MASQUES PLUS EFFRAYANTS
[Patergassen, Carinthie, Autriche] Dans son atelier, Robert Mitterer choisit les cornes qui équiperont les masques de Krampus et de Perchten qu'il fabrique. Réputé dans tous le massif alpin, ce sculpteur n'utilise pas moins de 60 essences d'arbres pour réaliser les différentes cornes. Mais pour certains projets, il emploie de vraies cornes de chèvre comme cela se faisait traditionnellement.





[Patergassen, Carinthie, Autriche] Robert sculpte un bloc de pin noir d'Autriche. « À 14 ans, j'ai réalisé mes premiers masques en papier mâché pour effrayer les gens. À 16 ans, j'ai commencé mon apprentissage de sculpture sur bois, avant de développer ma propre technique pour mieux représenter toutes sortes d'expressions. »


[Patergassen, Carinthie, Autriche] Sculpteur renommé, Robert Mitterer choisit les yeux de son prochain masque. Il dispose d'un grand choix d'yeux en verre qu'il a achetés dans le commerce ou qu'il a fabriqués sur place. Des LEDs de couleurs sont également utilisées pour illuminer les orbites du masque dans la nuit.


[Patergassen, Carinthie, Autriche] Robert installe une dent en résine sur un masque en bois. « Dans mon enfance, Krampus et Perchten étaient plus rudimentaires. En Carinthie, c'est à partir des années 1990 que la fabrication des masques a évolué. On est passé des masques de Perchten, très imposants, à ceux des Krampus, plus petits et agressifs. »


[Patergassen, Carinthie, Autriche] Robert consulte un bon de commande avec les requêtes du client. Chaque année, il conçoit environ 150 masques qu'il vend entre 700 et 1500 euros la pièce en Autriche, en Italie, en Slovénie et en Allemagne. Fort de son succès, il emploie trois assistants pour répondre à une demande toujours plus forte.
DE JEUNES HOMMES PASSIONNÉS
[Axams, Tyrol, Autriche] Jonas Gutheinz fait visiter une pièce du domicile familial où il entrepose son costume de Krampus et les différents masques qu'il possède. À 24 ans, ce commercial en outillage fait partie du Tuiflverein Axams, un groupe de Krampus du village dont il est le représentant pour trois ans. Il y a une dizaine d'années, il a remplacé son costume en peau de bête pour un personnage plus sophistiqué inspiré des films d'horreur et de la musique métal qu'il affectionne.





[Axams, Tyrol, Autriche] Dans un garage, de jeunes hommes enfilent leurs costumes de Krampus pour participer à un défilé nocturne.


[Axams, Tyrol, Autriche] Les participants en costume se dirigent vers la place centrale du village pour le spectacle de Krampus.
LE DÉFILÉ DES HORREURS
[Axams, Tyrol, Autriche] Les membres du Tuiflverein Axams évoluent au milieu des spectateurs. Ce groupe de Krampus organise des spectacles scénarisés avec de la pyrotechnie, une ambiance différente d'une simple Krampuslauf (litt. course de Krampus) ou de la traditionnelle visite des maisons. Très populaire, ce genre de spectacle est rejoué à plusieurs reprises dans différents villages.





[Völkermarkt, Carinthie, Autriche] Les Krampus conduisent des véhicules pour tracter des décors impressionnants. Chars à bras, tracteurs, tondeuses à gazon… le cortège est lent mais non moins bruyant.


[Axams, Tyrol, Autriche] Ces dernières décennies, avec un regain pour les traditions régionales, les enfants sont invités à participer aux festivités des Krampus au sein d'un mini défilé, en marge du spectacle principal.


[Völkermarkt, Carinthie, Autriche] Un Krampus s'approche de la foule pour l'effrayer. Amusés, les regards n'en sont pas moins nerveux.


[Axams, Tyrol, Autriche] Trois Krampus tournoient avec des fagots de branches pour « punir les méchants enfants ».


[Axams, Tyrol, Autriche] Un bébé du village est capturé par le chef des Krampus. Cette scène fait partie du spectacle imaginé et organisé par le Tuiflverein Axams, un groupe de Krampus local. L'histoire ? « Des forces démoniaques airent sur Terre et terrifient les humains ».


[Axams, Tyrol, Autriche] Un jeune villageois est capturé et conduit devant le chef des Krampus. Cette scène intègre un spectacle auquel participent près de 160 comédiens sur fond de musique métal avec d'impressionnants jeux de lumières et des effets pyrotechniques.
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LE PHOTOGRAPHE  VINCENT ESCHMANN
Photographe professionnel, Vincent témoigne de la richesse culturelle de notre monde. Il rapporte des histoires contemporaines avec l'espoir de sensibiliser aux enjeux identitaires auxquels sont confrontés de nombreux peuples. Né à Strasbourg, Vincent est passionné de voyages depuis son plus jeune âge, mais ses pérégrinations ont pris une autre intensité avec la photographie documentaire. Empreints de curiosité et de respect, ses sujets le guident aujourd'hui dans de nombreux pays à la rencontre de communautés et de leur histoire.