Alexandre a 25 ans. Cadre dans une entreprise internationale, il est consultant en informatique et pratique le béhourd depuis un an. Chaque week-end, il échange son costume-cravate contre une armure. Il s'entraîne avec ses coéquipiers du club Martel dans la forêt de Saint-Cucufa, à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).
Du fait de sa grande taille, Alexandre est hastier, c'est-à-dire qu'il combat avec une arme d'hast de 2 mètres. Sa mobilité et son allonge est primordiale dans les tactiques de combat. Cette année, avec l'équipe de France, il participe au championnat du monde de béhourd qui se déroule dans les arènes de Barcelone, « La Monumentale », titanesque colisée destiné à la corrida. C'est avec excitation qu'il se prépare lors des entraînements pour affronter les autres nations.
La « Bataille des nations » réunit 33 équipes nationales venues du monde entier pour trois jours de compétition. Les adversaires s'affrontent dans différentes épreuves féminines et masculines, en combat singulier avec épées et boucliers, ou en groupe comme le 21 contre 21.
L'équipe de France ramène sur ses terres un résultat historique pour cette jeune fédération créée en 2014 en remportant la médaille de bronze de l'épreuve royale de la discipline, le combat à 21 contre 21.
Les héritiers de l'étendard à fleurs de lys montent sur la troisième place du podium, derrière les mastodontes du béhourd mondial que sont les Russes et les Ukrainiens. Pour couronner ce succès exceptionnel, le Comité d'authenticité de la Fédération internationale a décerné au capitaine de l'équipe de France le Prix de l'équipe aux armures les plus historiques.
Né dans les années 1990 avant de partir à la conquête de la France dans les années 2010, le béhourd, qui tire ses origines du vieux français « heurter », est un sport de combat venu des pays d'Europe de l'Est, principalement de Russie. À la différence des reconstitutions grandeur nature, on ne connaît pas l'issue du combat. Même si il n'est pas théâtralisé, le béhourd oscille entre sport et spectacle, les combats pouvant opposer jusqu'à des centaines combattants en même temps ! On le retrouve même à la télé en Russie...
Le principe : terrasser ses adversaires à grands coups d'épées, de haches et de gourdins. Aussi chaotiques soient-ils, ces combats observent deux règles : l'historicité et la sécurité. Les armes et l'armure (pouvant peser jusqu'à 40kg) des participants d'une même équipe doivent être issues de la même région et de la même époque, comprise entre 1200-1699. Il ne doit pas y avoir plus de 30 ans d'écart entre l'année d'origine des rapières d'un bataillon. Afin d'éviter les blessures, chaque lame et chaque pointe doit être émoussée. Les arbitres vérifient soigneusement l'équipement avant chaque bataille. Pour le reste, tous les coups sont permis.
Les polémiques au sujet de ce jeune sport sont légions, souvent liées à l'extrême droite des pays slaves. Les tatouages identitaires et autres sigles néo-nazis ne sont pas rares sur les corps des russes ou ukrainiens. En France, la fédération tente de moraliser les pratiques et effacer le spectre des relents identitaires remisant les idées politiques des pratiquants au vestiaire.
© TRISTAN REYNAUD / AGENCE ZEPPELIN
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