Longtemps, la mer a été perçue comme un monde hostile, indomptable, mais fascinant. Cette beauté cruelle s'est accompagnée de superstitions tenaces, érigées par des sociétés où les rôles étaient strictement assignés. Les femmes, jugées porteuses de mauvais présages sur les bateaux, devaient rester à terre, loin des vagues et de l'infini. Elles étaient les gardiennes des ports, les soutiens invisibles des marins partis au large. La mer semblait n'appartenir qu'à l'autre moitié de l'humanité. Mais depuis les évolutions sociales des années 1970, cette frontière s'est effritée en France, laissant émerger une nouvelle génération de femmes prêtes à affronter cet élément sauvage. Lentement d'abord, avec un cadre législatif promouvant l'égalité des chances dans l'emploi et la formation. Puis les années 2010 ont vu les femmes gagner du terrain.
De la charpentière de marine qui sculpte les coques des navires à la capitaine au long cours qui trace sa route entre les continents, les femmes de la mer sont des figures de passion et de détermination. En Bretagne, le photographe Mathieu Ménard capture la diversité de ces parcours uniques. Pour l'ostréicultrice perpétuant un savoir-faire familial, la pêcheuse en formation ou encore la manœuvrière embarquée sur une frégate, la mer est bien plus qu'un métier : c'est une vocation, un appel. Et au cœur de ces trajectoires se trouve la transmission. Qu'elle vienne d'une lignée familiale ou d'une rencontre marquante, la transmission inscrit ces femmes dans une histoire collective, celle des gens de mer.
Si les femmes investissent aujourd'hui massivement les métiers de la mer, elles doivent aussi braver les critiques et déconstruire les stéréotypes qui persistent. Leur présence est une preuve que la mer, en tant qu'espace d'aventure et d'échange, ne possède pas de genre. Qu'elles soient artistes, artisanes, naturalistes ou marins, elles enrichissent cet univers de leurs sensibilités et de leurs compétences. Chacune d'entre elles illustre une facette de ce lien ancestral et complexe avec l'océan. À travers les portraits de ces femmes engagées, Mathieu consacre une ode à la liberté, porté par l'espoir que le monde se bonifie. Et ce n'est probablement pas un hasard si la mer est désormais considérée comme un milieu fragile à protéger. Dans un monde qui cherche sans cesse son point d'équilibre, la parité et l'écologie font décidément bon ménage.
Julien Pannetier
|