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Les menaces qui pèsent sur les chimpanzés d'Afrique occidentale sont nombreuses : agriculture, exploitation minière, exploitation forestière, maladies, chasse et braconnage… Mais la plus grande d'entre elles réside dans la perte de leur espace vital. La croissance de la population humaine et son emprise sur de nouveaux territoires et de nouvelles ressources, telles que la bauxite et le fer, fragmentent peu à peu l'habitat naturel du chimpanzé. Aujourd'hui, près de la moitié de ces chimpanzés vivent à moins de 5 km d'un établissement humain ou d'une route. Dans une région où la pression anthropique est de plus en plus forte, la compétition pour les ressources s'accentue et la cohabitation devient de plus en plus compliquée. L'expansion de l'agriculture de subsistance (en raison de la croissance démographique et de l'infertilité des sols), grignote progressivement le territoire des singes. Les chimpanzés qui vivent dans des mosaïques forêt-agriculture comptent souvent sur les cultures annuelles et les vergers pour compenser la perte de leurs ressources alimentaires, ce qui entraîne fréquemment des conflits avec la population humaine. Selon les prévisions, l'Afrique de l'Ouest devrait enregistrer l'une des plus fortes croissances mondiales en termes de développement urbain et industriel, avec une perte forestière de plus de 60 % d'ici à 2050. De plus, par rapport à d'autres régions, la couverture d'aires protégées en Afrique de l'Ouest est faible et relativement éparse. On estime qu'environ 20 % seulement des chimpanzés d'Afrique de l'Ouest vivent dans des aires protégées, laissant 80 % de leur population sans protection formelle. Bien que les croyances traditionnelles aient historiquement contribué à la conservation des chimpanzés dans certaines régions de Guinée, le braconnage reste l'un des problèmes majeurs pour leur conservation. Capturés dans la nature, les bébés sont ainsi vendus comme animaux de compagnie, et les adultes comme viande de brousse. Le chimpanzé est, avec le bonobo, l'animal le plus proche génétiquement de l'Homme. Il partage 98,7 % de son ADN avec les humains et est ainsi au cœur de la compréhension de l'origine et de l'évolution de l'Homme. Les chimpanzés d'Afrique de l'Ouest sont d'ailleurs dotés d'une intelligence remarquable. Ils sont capables de communiquer à l'aide de signaux vocaux et gestuels et ont des comportements sociaux complexes. Ils sont aussi connus pour avoir développé des compétences spécifiques telles que l'utilisation régulière d'outils. Ils ont par exemple été observés fabriquant des lances en bois pour chasser d'autres primates, chercher des termites ou pour pêcher des algues, ou encore utilisant des cailloux pour casser des noix. Ces pratiques ne sont observées dans aucune autre population de chimpanzés. Leur régime alimentaire se compose principalement de matières végétales, avec une nette préférence pour les fruits. Ils mangent aussi parfois de la viande (souvent d'autres primates), des insectes (termites, fourmis) et des produits dérivés d'insectes (miel, nids d'insectes…). Les chimpanzés occupent un domaine vital et sont donc dépendants des ressources naturelles à leur disposition. Ils démontrent par conséquent un comportement de défense territoriale. Par leur mode de vie, ces « jardiniers de la forêt » disséminent les graines des fruits et élaguent les arbres, entretenant de fait la régénération de la forêt. Le chimpanzé est ainsi considéré comme une espèce dite « parapluie » puisqu'il protège toute la faune et la flore dans laquelle il évolue. Dans une démarche globale de protection de l'environnement, il est donc primordial de le protéger. Dans le sanctuaire, les soigneurs leur offrent les meilleures conditions de vie possibles et leur apprennent les bases nécessaires pour les préparer à un retour à la vie sauvage. Pour chaque nouveau pensionnaire, une quarantaine sanitaire de 3 mois est observée avec des tests médicaux pour s'assurer de son état de santé. Une fois la quarantaine terminée, le jeune orphelin est intégré à un groupe de congénères et sort en brousse tous les jours accompagné de soigneurs. Durant cette étape, le processus de réhabilitation est axé sur le « ré-ensauvagement ». Les chimpanzés apprennent à grimper aux arbres, à chercher leur nourriture et à interagir avec leurs pairs. Ils apprennent à gérer leurs relations sociales, à se battre ou créer des alliances… Les personnalités s'affirment et la sexualité apparaît. Ils vont naturellement chercher à monter dans la hiérarchie. Le soigneur qui était jusqu'ici leur repère peut ainsi être défié pour l'autorité qu'il représente. À ce stade, les chimpanzés sont progressivement détachés des humains et sont placés dans de vastes enclos auprès de leurs congénères exclusivement. C'est le moment où ils vont former un groupe et établir une hiérarchie en fonction de leurs interactions et des alliances qu'ils vont créer. Il faut ainsi compter une douzaine d'années minimum de réhabilitation pour qu'un chimpanzé puisse éventuellement être considéré comme apte à revivre à l'état sauvage. Aujourd'hui, le CCC est le seul sanctuaire de chimpanzés d'Afrique de l'Ouest qui relâche des individus dans leur habitat naturel. Malheureusement, certains de ces chimpanzés ne pourront jamais retourner à la vie sauvage en raison des traumatismes physiques ou psychologiques qu'ils ont subis avant leur arrivée. Pire encore, la perte d'habitat associée à l'expansion humaine entrave la disponibilité de sites de relâcher appropriés. Ces sites doivent englober le domaine vital typique d'une communauté de chimpanzés (entre 15 et 60 km²) et fournir suffisamment de nourriture et d'eau toute l'année, sans faire partie du territoire existant d'un autre groupe. Jusqu'à présent, quatre zones ont été évaluées dans le Parc national du Haut-Niger et aucune ne remplissait les conditions requises pour un relâcher. Néanmoins, à ce jour, 19 chimpanzés ont été relâchés et certaines femelles se sont intégrées à des groupes de chimpanzés sauvages. Six bébés nés hors captivité évoluent avec un groupe toujours suivi par télémétrie, confirmant la capacité des chimpanzés à vivre ou revivre en groupe et en liberté. Comme la plupart des Parcs nationaux ouest-africains, l'écosystème du PNMB a connu ces dernières décennies un fort appauvrissement de sa biodiversité lié à la pression humaine. En effet, contrairement à d'autres Parcs en Afrique où l'occupation humaine est totalement interdite, environ 40 000 personnes réparties dans 255 villages vivent au sein de l'actuel zonage du PNMB. Les habitants y subsistent principalement de l'agriculture traditionnelle (manioc, fonio, riz ou arachide) et du pastoralisme. La collecte du bois comme combustible ou pour la construction est également une activité importante, tout comme la cueillette de fruits, de feuilles et de racines. Ainsi, lors de l'annonce en 2017 par le Ministère guinéen de l'Environnement, des Eaux et Forêts, de créer un Parc national dans cette région, la nouvelle n'a pas été perçue d'un bon œil par les communautés villageoises. Cependant, les différentes initiatives de reboisement et de régénération des espaces naturels mises en place par la Wild Chimpanzee Foundation (WCF), actuelle gestionnaire du Parc, ainsi que le développement de techniques d'agroécologie et d'agroforesterie auprès des populations locales, ont largement contribué à l'acceptation du projet par les habitants. La WCF appuie les communautés locales dans des projets de subsistance alternatifs via l'agriculture durable et la mise en place de filières commerciales aux retombées économiques effectives, notamment à travers le beurre de karité. Les habitants se voient également confier des emplois rémunérés pour aider à gérer et préserver quotidiennement le Parc. On peut notamment citer la création d'un corps d'éco-gardes entièrement féminin, la mise en place d'équipes en charge du biomonitoring de la faune sauvage, le recrutement d'agents pépiniéristes, de guides locaux, de porteurs… Sans compter l'ensemble des emplois indirects qui s'étendent bien au-delà des limites du Parc, faisant ainsi du PNMB l'un des plus grands employeurs de la région. De nouvelles initiatives sont d'ailleurs en train de voir le jour, dont la mise en place de projets écotouristiques. Guillaume Petermann
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