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CANNABIS L'ELDORADO THAÏLANDAIS
THAÏLANDE, BANGKOK & PROVINCE DE CHIANG MAI  •  PHOTOS © VINCENT ESCHMANN / AGENCE ZEPPELIN
La Thaïlande est devenue en quelques années un acteur majeur de la production mondiale de cannabis. Légalisée en 2018 pour le domaine médical, puis dépénalisée en 2022 pour ses usages récréatifs, la fameuse plante suscite un juteux business, favorisé par un climat tropical et une main d'œuvre bon marché. Plus d'un million de Thaïlandais ont ainsi demandé une licence de production ou de vente au cours de la première année.  LIRE LA SUITE
[Bangkok, Thaïlande] Magasin de vente au détail de cannabis dans la rue de Khaosan où se concentrent de petits hôtels bon marché. L'industrie du tourisme représente aujourd'hui 15 % du PIB thaïlandais. Cette vulnérabilité a d'ailleurs poussé l'État à engager une stratégie de modernisation économique fondée sur l'innovation et la création de valeur ajoutée. Sur ce programme baptisé « Thailand 4.0 » s'alignent la légalisation du cannabis et les perspectives qu'elle suscite.





[Bangkok, Thaïlande] Installé sur le trottoir, un couple vend du cannabis et divers outils pour le consommer. Avec une licence qui coûte 3000 bahts pour 3 ans (environ 80 euros), de nombreux Thaïlandais s'improvisent revendeurs.


[Chiang Mai, Thaïlande] Dans un café, Khom, fumeur de cannabis de longue date, fume une pipe à eau. Malgré son interdiction dans les lieux publics, la consommation de cannabis est tolérée par de nombreux établissements touristiques.
En 2022, la Thaïlande retirait le cannabis de la liste des stupéfiants contrôlés, devenant le premier pays d'Asie du Sud-Est à dépénaliser cette plante. Cette réforme est toutefois restreinte à l'usage médical (sur prescription) et à l'usage récréatif en lieu privé.


[Koh Phayam, Thaïlande] Jo pèse des fleurs de cannabis dans sa boutique. Avec trois autres investisseurs, il possède une exploitation agricole de cannabis à Ranong et quatre points de vente. Ensemble, ils produisent 16 kg de fleurs par an.


[Pai, Thaïlande] Une vendeuse montre un sac contenant 500 grammes de fleurs de cannabis en provenance directe de l'exploitation agricole. Il s'agit ici de « Cherry Garcia », un cultivar dont le profil organoleptique rappelle la cerise confite.
VERS UN TOURISME DE LA « FUMETTE » ?
[Pai, Thaïlande] Une vendeuse de la boutique Lady Cannabis fait sentir différentes variétés de cannabis à des touristes. Au premier plan, sa collègue pèse des fleurs de cannabis (ici environ 2 grammes) à l'aide d'une balance de précision.





[Chiang Mai, Thaïlande] Conditionnement au détail de différentes variétés de fleurs de cannabis : « Pineapple Express, Lemon AK, Purple Punch ». Sur chaque emballage sont indiqués la variété, le grammage, la teneur en THC et l'hybridation indica/sativa.


[Chiang Mai, Thaïlande] Point d'information proposant des « cannabis tours », c'est-à-dire de visiter des fermes de cannabis et d'en déguster les produits. Une tendance qui a d'ailleurs poussé les autorités à exprimer des réserves sur ce type de tourisme.
Le nord de la Thaïlande bénéficie d'un hiver plus sec que dans le reste du pays, un climat idéal pour la culture du cannabis sous serre réduisant les moisissures et champignons qui se développent fréquemment pendant la mousson. Grâce à ces conditions favorables, la Thaïlande produit du cannabis « en extérieur » toute l'année.


[Chiang Dao, Thaïlande] Aon pénètre dans ses serres de culture ; elle en possède 3, mais 2 seulement sont utilisées. Initialement propriétaire d'une ferme familiale vouée au maraîchage, Aon a revendu l'exploitation pour se lancer dans la cannabiculture. En 2021, trois ans après la légalisation du cannabis médical en Thaïlande, elle a investi 6 millions de bahts (160 000 euros) pour créer son entreprise de production et de vente de cannabis : la Chiang Dao Cannabis Farm.


[Doi Lo, Thaïlande] Sin, 23 ans, regarde l'organigramme de la Sateewa Glow Company. Plus de 20 personnes y travaillent pour produire et distribuer du cannabis, surtout médical. Les politiques gouvernementales, notamment des incitations fiscales et le soutien à la recherche, permettent au secteur de produire des variétés de cannabis de grande qualité. Les faibles coûts de main d'œuvre, un climat favorable et une électricité bon marché attirent les investisseurs étrangers.
LES CONDITIONS IDÉALES RÉUNIES
[Chiang Dao Cannabis Farm, Chiang Dao, Thaïlande] Aon montre de jeunes plants de cannabis au sein de son exploitation. Les graines ont germé à l'abri, poussé pendant quelques semaines, avant d'être plantées dans un terreau enrichi. Des fertilisants (billes blanches dans les pots) sont utilisés pour améliorer leur croissance. Le cannabis est une plante herbacée annuelle, dont le cycle naturel implique une germination, une floraison, puis une mort en une seule saison.





[Chiang Dao Cannabis Farm, Chiang Dao, Thaïlande] Aon observe des plants de cannabis au sein d'une de ses trois serres de culture (dites « outdoor »). Adulte, chaque plante peut mesurer plus de trois mètres de haut, et produire 500 grammes de fleurs séchées. Avec deux serres sur trois actuellement utilisées, chacune contenant 140 plants, Aon espère vendre plus de 100 kg de fleurs de cannabis.


[Sateewa Glow Company, Doi Lo, Thaïlande] Sin contrôle la croissance des jeunes plants de cannabis cultivés sous serre. Sans cette structure fermée et transparente, la récolte serait plus aléatoire et les fleurs de moins bonne qualité. Une fois à maturité, les branches seront récoltées une à une pour être séchées. L'intégralité du pied sera enfin coupée pour laisser la place à un nouveau plant.
La culture commerciale du cannabis ne requiert que des plantes femelles. D'abord parce que les plantes mâles ne contiennent que très peu de THC ou de CBD. Ensuite parce que la présence de mâles risquerait de féconder les femelles. Or si les fleurs femelles se mettent à produire des graines, elles diminuent leur production de « trichomes » et, donc, leur qualité pour la consommation. Cette pratique est connue sous le nom de « sinsemilla » (litt. « sans graine » en espagnol).


[Sateewa Glow Company, Doi Lo, Thaïlande] La fleur de cannabis développe des « trichomes », de minuscules appendices qui, à terme, lui donneront un aspect givré.


[Chiang Dao Cannabis Farm, Chiang Dao, Thaïlande] Aon inspecte une fleur de cannabis. Son état de maturité indiquera le moment opportun pour la récolter.
RÉPONDRE AUX EXIGENCES MÉDICALES
[Sateewa Glow Company, Doi Lo, Thaïlande] Dans une serre de culture, Sin contrôle la croissance de jeunes plants de cannabis de variété « Royal Gorilla ». Les différentes variétés de graines ont été achetées sur Internet, puis clonées en interne pour les productions suivantes. Ce clonage par bouturage permet de garder les caractéristiques génétiques de la plante mère, notamment en termes de rendement, de profil de cannabinoïdes, et de résistance aux maladies (a contrario d'une graine semée).





[Sateewa Glow Company, Doi Lo, Thaïlande] Sin, horticulteur, explique la culture du cannabis en environnement contrôlé, dite « indoor ». Il a pris soin de se déchausser au préalable pour minimiser le risque d'introduction de pathogènes ou de ravageurs. Des pièges chromatiques (ici des panneaux jaunes englués) ont justement été placés au-dessus des plants pour capturer les insectes volants, surveiller le niveau d'infestation et, le cas échéant, adapter la stratégie de lutte.


[Sateewa Glow Company, Doi Lo, Thaïlande] Dans cette salle poussent 240 plants de cannabis. Au plafond, les lumières bleues, rouges et vertes représentent autant de longueurs d'onde différentes. Lors de la phase végétative des plantes, cet éclairage artificiel est fixé à 18 heures par jour. Un milieu confiné dans lequel la floraison ne survient pas d'elle-même. Pour la déclencher, il faut imiter les changements saisonniers naturels en réduisant la photopériode à 12 heures par jour.


[Sateewa Glow Company, Doi Lo, Thaïlande] Sin consulte un thermomètre dans la salle de culture (« indoor »). Pour une production optimale de cannabis, la température doit être comprise entre 24 et 28°C. Elle doit être conjuguée avec la photopériode et l'humidité relative.


[Sateewa Glow Company, Doi Lo, Thaïlande] Le système d'irrigation requiert beaucoup de minutie, comme ici un horticulteur en train de contrôler le pH de l'eau. Selon la phase de croissance des plantes, des compléments nutritifs peuvent être ajoutés (calcium, magnésium…).
FAVORISER LES CONCENTRÉS BIOACTIFS
[Sateewa Glow Company, Doi Lo, Thaïlande] Un horticulteur observe une fleur de cannabis à l'aide d'une caméra à zoom numérique. Les filaments que l'on voit sur l'image (appelés « trichomes ») sont particulièrement recherchés car ils contiennent la majorité des cannabinoïdes (comme le THC et le CBD), des terpènes (responsables des arômes et saveurs), et d'autres composés bioactifs. Leur état de maturité indique le moment opportun pour les récolter.





[Sateewa Glow Company, Doi Lo, Thaïlande] Le cannabis est mis à sécher pendant deux à trois semaines. Coupés par branches, les plants sont suspendus par leurs tiges pour faire affluer la sève dans les fleurs. Le séchoir doit être sombre, bien ventilé, à une température et une humidité contrôlée. Cela permet de préserver les terpènes et d'éviter la moisissure.


[Sateewa Glow Company, Doi Lo, Thaïlande] L'humidité des fleurs de cannabis est vérifiée avant leur conditionnement. Trop sèche, la fleur perd ses caractéristiques organoleptiques et ses principes actifs. Trop humide, elle risque de moisir dans son conditionnement plastique. In fine, la fleur à fumer doit être « légèrement collante au toucher ».


[Sateewa Glow Company, Doi Lo, Thaïlande] Sin ouvre un sac de cannabis dans une salle de stockage. Ici, la température et l'humidité de l'air sont contrôlées pour assurer une conservation optimale des fleurs. Malgré une ventilation qui filtre les poussières, une forte odeur de cannabis imprègne tout le bâtiment.


[Chiang Dao Cannabis Farm, Chiang Dao, Thaïlande] Une employée nettoie une récolte de cannabis à l'aide d'une loupe éclairante. Elle enlève les branches et les feuilles résiduelles qui contiennent beaucoup moins de cannabinoïdes (comme le THC et le CBD), réduisant de facto la valeur de chaque fleur.
LES PROMESSES D'UN NOUVEAU BUSINESS
[Sateewa Glow Company, Doi Lo, Thaïlande] Les fleurs de cannabis sont conditionnées à l'aide d'une balance de précision. Sur les sacs sont inscrites les informations de traçabilité, telles que la variété, le semencier et les dates de production. Les commandes sont ensuite envoyées aux points de vente au détail.





[Chiang Dao, Thaïlande] La licence commerciale de la Chiang Dao Cannabis Farm est affichée, comme l'exige la loi, sur le comptoir de la boutique. Délivrée par le Ministère de la santé, elle autorise la vente et la transformation à des fins commerciales de cannabis ou d'extraits de cannabis et ce, pour une durée de 3 ans. L'État effectue mensuellement des contrôles sur les autorisations et les registres de ventes.


[Doi Lo, Thaïlande] Aor (à gauche), l'une des trois dirigeantes de la Sateewa Glow Company, pose dans une salle de stockage de cannabis. L'entreprise produit chaque année 500 kg de cannabis. Le kilo de fleurs séchées de type « outdoor » est vendu 15 000 bahts (410 euros). Les variétés « indoor » nécessitent plus d'investissement, mais elles sont de meilleure qualité et sont vendues 45 000 bahts le kilo (1250 euros).


[Sateewa Glow Company, Doi Lo, Thaïlande] Sai, comptable, présente les différentes licences nécessaires à la production de cannabis ainsi qu'à son exportation. L'entreprise possède une licence spécifique à la production et à la vente de cannabis médical. En devenant l'un des premiers pays asiatiques à légaliser le cannabis médical en 2018, la Thaïlande a construit une base solide pour fournir des produits de haute qualité à des coûts compétitifs, grâce à un climat favorable et une main-d'œuvre agricole expérimentée.


[Chiang Dao Cannabis Farm, Chiang Dao, Thaïlande] Tiam montre des pochettes hermétiques contenant des fleurs de cannabis destinées à la vente au détail. C'est sa fille, Aon, qui a repris l'exploitation familiale, rompant avec le maraîchage (fruits et légumes) pour lui préférer la cannabiculture. Un virage qu'elle a effectué en 2021, trois ans après la légalisation du cannabis médical en Thaïlande (décembre 2018), et un an avant la dépénalisation du cannabis récréatif (juin 2022). Un marché en plein développement.
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LE PHOTOGRAPHE  VINCENT ESCHMANN
Photographe professionnel, Vincent témoigne de la richesse culturelle de notre monde. Il rapporte des histoires contemporaines avec l'espoir de sensibiliser aux enjeux identitaires auxquels sont confrontés de nombreux peuples. Né à Strasbourg, Vincent est passionné de voyages depuis son plus jeune âge, mais ses pérégrinations ont pris une autre intensité avec la photographie documentaire. Empreints de curiosité et de respect, ses sujets le guident aujourd'hui dans de nombreux pays à la rencontre de communautés et de leur histoire.