Dans l'espoir de désengorger les prisons et stimuler l'économie locale, le gouvernement thaïlandais a totalement légalisé la consommation du cannabis en juin 2022, mettant un terme aux lois anti-drogue les plus strictes de la planète. Ainsi ont fleuri une myriade de petites entreprises familiales et des holdings internationales produisant plusieurs tonnes de cannabis.
Le nord de la Thaïlande bénéficie d'un hiver plus sec que dans le reste du pays, un climat idéal pour la culture du cannabis sous serre, réduisant les moisissures et champignons qui se développent fréquemment pendant la mousson. Dans ces conditions, du cannabis peut être cultivé « en extérieur » toute l'année. Mais pour mieux répondre aux standards pharmaceutiques, en termes de qualité comme de traçabilité, certaines entreprises ont dû investir dans des systèmes de culture « indoor ». Ainsi, en contrôlant la photopériode, la température, l'hygrométrie et les contaminations, les horticulteurs assurent de meilleurs rendements. Grâce à d'importantes capacités d'investissement et d'exportation, les plus grandes structures dégagent donc de confortables profits. En 2030, selon le Ministère thaïlandais de la santé publique, ce marché devrait atteindre plus de 8 milliards d'euros.
Face à cette concurrence agressive, bon nombre de petits paysans ayant opté pour la cannabiculture sont aujourd'hui dans l'incapacité de vendre leur production. La population thaïlandaise, dans son ensemble, reste très partagée sur la légalisation du cannabis et beaucoup craignent une envolée de la toxicomanie chez les plus jeunes. D'aucuns redoutent aussi l'apparition d'un nouveau tourisme avide de « fumette ». Cet eldorado agro-industriel pourrait ainsi prendre fin avec l'arrivée au pouvoir d'un nouveau gouvernement conservateur qui restreindrait à son tour l'usage récréatif du cannabis.
Vincent Eschmann
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