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VISHNU LA "MONA LISA" DU CAMBODGE
FRANCE, PARIS + CAMBODGE, SIEM REAP  •  PHOTOS © ANTOINE MERLET / AGENCE ZEPPELIN
Impassible, le Vishnu du Mébon occidental se refait une beauté en France. L'occasion d'en apprendre plus sur cette sculpture monumentale en bronze qui compte parmi les trésors archéologiques du Cambodge. Découvert en 1936 sur le site d'Angkor, ce voyageur du temps continue de passionner les scientifiques qui remuent ciel et terre pour retracer son origine. Des anciennes mines de cuivre aux artisans contemporains, en passant par la Fonderie royale qui l'a vu naître, le grand Vishnu reprend vie sous nos yeux.
Cette œuvre est l'une des rares représentations en ronde bosse du grand dieu de l'hindouisme sous sa forme couchée, reposant sur son flanc droit et doté à l'origine de quatre bras. Œuvre de commande royale, la statue fut probablement réalisée à la demande du souverain khmer Udayadityavarman II (règne de 1050 à 1066) et achevée sous le règne de son frère cadet Harshavarman III. Elle fut installée comme image de culte dans le temple du Mébon occidental, construit au centre du plus grand bassin d'Angkor, le Baray occidental.

Conservé au Musée national du Cambodge, le Vishnu du Mébon occidental est accueilli en France en 2024 pour profiter de moyens analytiques plus poussés. Ainsi est né le « Projet Vishnu ». Ce projet comprend l'étude technologique de la statue au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), à Paris, de juin à octobre 2024 ; sa conservation-restauration au laboratoire Arc'Antique, à Nantes, de novembre 2024 à mars 2025 ; enfin, sa présentation au grand public dans le cadre d'une exposition au Musée national des arts asiatiques – Guimet, à Paris, consacrée aux bronzes khmers, d'avril à septembre 2025, puis dans plusieurs musées aux États-Unis, à partir de septembre 2025.
Sreyneath Meas, archéologue au Ministère de la culture et des beaux-arts du Cambodge, spécialiste des bronzes angkoriens, examine les premières radiographies effectuées au C2RMF, à Paris. © ANTOINE MERLET / AGENCE ZEPPELIN
Les derniers secrets de la statue
La venue en France du Vishnu a été préparée et soutenue par un programme de recherche de l'École française d'Extrême-Orient (EFEO) dirigé depuis 2016 par Brice Vincent, archéologue, et consacré à l'étude de l'artisanat du cuivre et de ses alliages – dont le bronze – au temps d'Angkor (du IXe au XVe siècle). Ce programme scientifique, intitulé LANGAU (« cuivre » en vieux khmer), étudie cet artisanat méconnu en le recontextualisant au sein du système étatique angkorien et de son économie, mais aussi en le déclinant en autant d'étapes de production depuis les mines jusqu'aux fonderies et aux produits finis. Exécutés par des artisans spécialisés maîtrisant des savoir-faire élaborés et travaillant au service du pouvoir royal, cuivre et bronze sont alors destinés essentiellement aux dieux : images de dévotion, instruments de culte ou encore éléments de décor architectural.

Ainsi, depuis janvier 2025, une équipe d'archéologues conduite par l'EFEO travaille au Cambodge sur l'étude des vestiges d'une fonderie où aurait été fabriquée la fameuse statue de Vishnu. Cette mission comprend une phase de post-fouille visant à analyser les objets découverts lors des fouilles menées entre mars et mai 2024. Spécialistes et chercheurs, notamment un céramologue, examinent les céramiques trouvées sur le site.

Parallèlement, deux prospections sont en cours. La première, dans la région de Khvav, à 60 kilomètres à l'est d'Angkor, poursuit l'étude d'une mine de cuivre documentée en juin 2024. La seconde, à Chep, 190 kilomètres au nord-est d'Angkor, cherche à identifier les sources de cuivre utilisées à l'époque. Ces travaux doivent permettre de mieux comprendre l'origine des matériaux employés dans la production de sculptures khmères et de confirmer, ou non, l'hypothèse d'une fabrication locale du Vishnu.

Pendant ce temps, la restauration du Mébon occidental se poursuit. Ce temple-îlot, au milieu duquel siégeait le Vishnu, n'a d'ailleurs pas livré tous ses secrets. Sur place, un artefact en pierre vient justement d'être identifié : il s'agirait d'un lingam de 10 mètres de haut, autrement dit un objet de culte dédié à… Shiva ! L'autre grande divinité du panthéon hindou. Vishnu et Shiva réunies, telles deux forces complémentaires dans le maintien de l'ordre cosmique.

Antoine Merlet
LE PHOTOGRAPHE  ANTOINE MERLET
Photoreporter indépendant, Antoine travaille pour la presse régionale et nationale. Après avoir donné des cours de sport pendant cinq ans, il s'est engagé dans le journalisme, orientant ses travaux vers les luttes sociales. Il aime prendre le temps de comprendre un sujet avant de s'y engouffrer. Exposé aux Rencontres d'Arles en 2017, à la Galerie VU' en 2020, et projeté au festival Visa pour l'image en 2021, il sait sortir de sa zone de confort pour travailler avec des rédactions comme M Le Monde, Télérama, Le Figaro, Libération, La Croix, ou encore Vice.