REPORTAGES PUBLICATIONS CONTACT
BORANA LA BRÛLURE DU CIEL
ZONE DE BORANA, ÉTHIOPIE  •  PHOTOS © LUCIEN MIGNÉ / AGENCE ZEPPELIN
Un peuple sans empreinte carbone fait face à la sécheresse. Depuis 2020, les Boranas voient leurs bêtes mourir de faim et de soif. Installés au sud de l'Éthiopie, ils sont contraints de quitter leus terres, leurs maisons, et de rejoindre des camps humanitaires. Aujourd'hui, ces agriculteurs se tournent vers les mines d'or et l'extraction du sel, deux activités dangereuses qui ternissent leur avenir. Pour regagner une vie pastorale, il ne leur manque pourtant que la pluie.
Cinq ans sans pluie
Au sud de l'Éthiopie, dans un territoire de 45 435 km², frontalier du Kenya et composé à 75 % de plaines arides, vivent les Boranas. Estimés à 1,1 million, ces semi-nomades pastoraux, dont le troupeau est source de fierté et de statut social, vivent traditionnellement de l'élevage bovin. Alors que leur empreinte carbone a toujours été presque inexistante, ils sont à l'heure actuelle directement victimes du réchauffement climatique.

2024 est la cinquième année de sécheresse consécutive dans la Corne de l'Afrique, du jamais vu depuis le début des premiers relevés pluviométriques en Éthiopie. Depuis 2020, 3,5 millions de bovins sont morts de faim et de soif, soit 90 % du cheptel de la zone de Borana, provoquant une véritable catastrophe humanitaire. La grande saison des pluies, ganaa, entre mars et mai et la petite saison des pluies, hagayya, entre septembre et octobre, ont disparu. Partout dans la région, de nombreux habitants ruinés, dont les troupeaux ont été décimés par la soif, ont dû quitter leurs villages pour rejoindre les camps aux abords des villes, où vivent près de 240 000 personnes.

Les conditions de vie dans les camps pour personnes déplacées sont extrêmement précaires. Alors que leur troupeau leur assurait une épargne et un moyen de subsistance, une grande partie de la communauté borana vit à l'heure actuelle dans une grande pauvreté, et ce, malgré l'aide humanitaire l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID).
Elema Dulatcha Libano, 70 ans, implore des mains Waaqa, le Dieu suprême de la religion Waaqeffanna, pour qu'il mette un terme à la sécheresse qui sévit dans la zone de Borana depuis l'année 2020. « J'avais une belle maison avant de venir ici, et une belle vie. Tout mon troupeau est mort à présent », explique-t-elle. © LUCIEN MIGNÉ / AGENCE ZEPPELIN
Reconversions de misère
Inédite par son ampleur, cette sécheresse à répétition est à l'origine d'un violent choc social et culturel chez les Boranas. Leur mode de vie traditionnel, qui perdurait depuis des siècles, est aujourd'hui menacé. En alternative à l'élevage, beaucoup d'entre eux ont été forcés à développer rapidement une autre activité. Certains se sont tournés vers l'agriculture, aux rendements très incertains en raison du manque d'eau et de la pénurie de fertilisants. D'autres en sont réduits à la coupe d'arbustes et à la vente de fagots de bois ou de charbon au bord des routes. Alors qu'une grande partie des hommes vont travailler dans les mines d'or de Dambi ou Dabel, quelques-uns se consacrent à l'extraction du sel dans le cratère d'El Soda, deux activités pénibles et dangereuses.

Les Boranas n'ont pourtant pas perdu espoir de racheter un jour du bétail et d'aller repeupler leurs villages abandonnés. En oromo, la langue parlée par les Boranas, il existe deux termes pour désigner la pluie : robha, qui signifie « la pluie à venir » et boqa, qui signifie « la pluie tombée ». Régulièrement, lors de cérémonies religieuses, les Boranas font appel à Waaqa, leur Dieu suprême, pour qu'enfin ils puissent employer à nouveau le mot boqa.

Lucien Migné
LE PHOTOGRAPHE LUCIEN MIGNÉ
Basé à Marseille, Lucien réalise des reportages qui explorent les mécanismes humains, sociaux et environnementaux qui façonnent notre monde actuel. Après plusieurs années de voyages pendant lesquelles il a aiguisé son œil de photographe, il a entrepris des études de cinéma et réalisé plusieurs courts-métrages. Il s'est ensuite tourné vers la photographie documentaire, dans la continuité de son approche de cinéaste : celle de raconter des histoires avec des images.
VOIR AUSSI  TIGRÉ : ANNÉE ZÉRO
Après deux ans d'une guerre qui prit fin en novembre 2022, la question du Tigré occidental n'est toujours pas résolue. Près d'un million de réfugiés attendraient encore dans des camps. Les détournements de l'aide humanitaire, la pénurie d'engrais agricoles, la révolte des miliciens amharas, et les nombreux assassinats politiques plongent à nouveau le pays dans l'instabilité. Reportage sur des charbons ardents.