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CHARITABLES LA DERNIÈRE ESCORTE
BÉTHUNE + BEUVRY, PAS-DE-CALAIS, FRANCE © JOAQUIM DASSONVILLE / ZEPPELIN
Onze hommes marchent sur la route en poussant un cercueil. Les Béthunois reconnaissent vite ce cortège funèbre dont les protagonistes sont vêtus de noir et coiffés d'un bicorne. Ce sont les Charitables, une confrérie laïque qui propose gracieusement, et à quiconque, d'accompagner les défunts. Peu importe la religion, l'âge ou le milieu social, chaque enterrement est traité avec la même dignité. Cette tradition remonte à 1188, lorsque la peste affectait la région et que les morts n'étaient même plus enterrés. À l'initiative de deux maréchaux-ferrants, et sous le patronage de saint Éloi, une poignée de bénévoles se sont engagés à inhumer les corps. Aujourd'hui encore, ils poursuivent leur mission sous le signe de la solidarité.
UNE ŒUVRE DE BIENFAISANCE
[Béthune, France] Sur le parvis de l'église Saint-Vaast, onze Charitables sont convoqués à une heure précise pour des funérailles. L'exactitude est une de leurs vertus, d'autant que le moindre retard est passible d'une sanction pécuniaire, dite « bouquet ». Ici, ils attendent que le chéri (maître de cérémonie) leur répartisse les rôles.





[Béthune, France] Depuis sa fondation en 1188, la confrérie des Charitables est au service des défunts et de leurs proches. Ici, ils conduisent un cercueil en l'église Saint-Vaast. Dans les escaliers qui mènent à la nef, les deux premiers porteurs « à bâton » sont épaulés par deux confrères. Un cercueil pouvant peser jusqu'à 300 kilos, l'entraide est importante.


[Béthune, France] Le cercueil est l'objet de toutes les attentions de la part des Charitables qui l'entourent au sein même de l'église Saint-Vaast. Les rites sont séculaires. Riches ou pauvres, et quelles que fussent leurs convictions, les défunts sont tous accompagnés dans les mêmes conditions, avec respect et dévouement.
UNE CONFRÉRIE MÉDIÉVALE
[Béthune, France] Copie de la lettre de Pierre de Nogent, prieur de Saint-Pry à Béthune, dont l'original, datant de 1317, est conservé aux Archives départementales du Pas-de-Calais. Elle décrit la création d'une sainte chandelle, fruit de la rencontre des deux maréchaux-ferrants Germon et Gauthier. Document fondateur des confréries de Béthune et de Beuvry, cette lettre est lue lors de chaque « procession à Naviaux ».





[Beuvry, France] La chapelle Saint-Éloi des Champs de Quinty est un sanctuaire où reposent les traditions des confréries de Béthune et de Beuvry. Ici, à gauche de l'autel, on reconnaît saint Éloi (588 ? – 660), orfèvre et monnayeur français, évêque de Noyon en 641. À ses pieds, on lui attribue une enclume ; allusion à une légende qui le tient pour maréchal-ferrant avant d'être orfèvre.


[Beuvry, France] Dans la chapelle Saint-Éloi des Champs de Quinty, ouverte au public les mercredis après-midi, une plaque rappelle les grandes dates de l'histoire des Charitables. Bâti en 1880, l'édifice actuel succède à la destruction d'une première chapelle érigée au début du XIIIème siècle par Germon et Gauthier. Lors de la « procession à Naviaux », les Charitables font retentir les cloches de la chapelle.
DES HOMMES EN NOIR
[Béthune, France] Pierre Massard est le prévôt (président) des Charitables de Béthune, un statut important qui lui vaut de diriger la confrérie pendant deux ans. C'est lui qui nomme le secrétaire, le comptable, l'archiviste et le chéri qui organise les services funéraires. Ici, au siège de la confrérie, il se prépare pour une cérémonie d'enterrement. C'est dans cette demeure baptisée « la chambre des Charitables » que sont conservées les archives et divers objets.





[Béthune, France] De retour chez lui, André Delhaye enlève son épaisse cape noire, découvrant un médaillon d'argent à l'effigie de saint Éloi qu'il est le seul à porter. Ancien bâtonnier et avocat à la retraite, il est, à 85 ans, le vénérable doyen des Charitables de Béthune – le plus ancien des prévôts. Gardien des traditions, il est désigné à vie pour présider le grand conseil. On le consulte pour résoudre divers problèmes.


[Béthune, France] Les Charitables s'épaulent pour sortir le cercueil de l'église Notre-Dame du Perroy. Leur tenue est composée d'un habit « à la française » (pantalon, gilet et veste), d'une chemise blanche, d'une bavette bleue, d'un nœud papillon blanc, de gants blancs et d'un bicorne. En hiver, il revêt aussi un pull à col roulé blanc et une épaisse cape noire fermée par une chaînette.
UN CONVOI INSOLITE
[Béthune, France] Au commandement du prévôt, le convoi funéraire démarre, suivant le Charitable de route qui a pour mission « d'ouvrir le chemin » en toute sécurité. Cinq Charitables poussent de part et d'autre le cercueil. Les autres suivent le cortège, prêts à prendre le relais. La famille ferme la marche. Le convoi funéraire traverse ainsi la ville en direction du cimetière.





[Béthune, France] Un carreau en céramique, dit « relève », est scellé dans le trottoir. Il signale aux Charitables l'endroit pour intervertir les porteurs lors du convoi funéraire. Plusieurs carreaux de ce type jalonnent l'itinéraire entre les églises et les cimetières de la ville.


[Béthune, France] Lors des enterrements à Béthune, les Charitables transportent le cercueil de l'une des quatre églises jusqu'à l'un des trois cimetières. Les trajets sont donc variés, et même s'ils font partie du paysage béthunois, ils impressionnent toujours.
« QU'IL AIT ÉTÉ SÉNATEUR OU SDF… »
[Béthune, France] Les onze Charitables traversent le cimetière Nord pour inhumer le défunt. Cinq d'entre eux poussent une charrette sur laquelle repose le cercueil. Cette charrette est utilisée depuis les années 1957-1958, lorsque l'enterrement des cheminots représentait une trop longue distance pour le port à bras. Elle fait désormais partie de la tradition.





[Béthune, France] Les Charitables mettent en terre le défunt. Le cercueil est d'abord descendu de la charrette, puis porté « à bâtons » jusque devant le caveau, où des cordes permettent de le descendre. La pandémie de Covid-19 n'a jamais empêché leur mission. Ils ont continué pendant le confinement, tout comme leurs aïeuls l'ont fait durant l'épidémie de peste en 1187.


[Béthune, France] Lorsque la mise en terre est accomplie, la famille peut s'avancer. Le prévôt prononce une allocution qui se termine par le Notre-Père. Pour finir, le chéri (maître de cérémonie) annonce « Notre devoir est accompli monsieur le prévôt », lequel clôture en disant « Que X repose en paix ! », et aux Charitables de répondre « Ainsi soit-il ».
EXACTITUDE, UNION ET CHARITÉ
[Béthune, France] À la fin du service funéraire, les Charitables se rassemblent à la sortie du cimetière pour évoquer les éventuels problèmes rencontrés. Ils forment un cercle afin que le chéri (maître de cérémonie) les passe en revue. Chaque manquement à la tenue règlementaire, comme une chaussette qui ne serait pas noire, vaut au fautif de s'acquitter d'un « bouquet » (amende).





[Béthune, France] À la sortie de chaque cimetière de la ville, un espace est réservé aux Charitables afin qu'ils puissent se rassembler en cercle pour leur passage en revue.


[Béthune, France] Perception du « bouquet » (amende) par le prévôt, après que le chéri (maître de cérémonie) ait passé en revue les Charitables en service.
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LE PHOTOGRAPHE JOAQUIM DASSONVILLE
Basé à Lille, Joaquim est spécialisé dans le portrait, la photo de reportage et documentaire. Il travaille partout en France et à l'étranger. Il réalise des reportages à caractère humanitaire, social, religieux et s'engage sur des sujets environnementaux.  Investi pour certains magazines, agences de presse et de communication, il collabore aussi avec des organismes humanitaires et associations de secours.