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MEZCAL L'ESSENCE DE L'ALTIPLANO
ESTACIÓN IPIÑA, AHUALULCO, SAN LUIS POTOSÍ, MEXIQUE © JEAN-FÉLIX FAYOLLE / AGENCE ZEPPELIN
Sous le soleil, les agaves. Lentement, ils s'hérissent de feuilles épaisses pour défendre le sucre dont ils regorgent. Ainsi se dessine l'altiplano entre Zacatecas et San Luis Potosí, un plateau aride que les paysans jardinent collectivement. De l'Agave salmiana, il s'agit de faire une eau-de-vie qui puisse rétribuer les villageois d'Estación Ipiña. Ici, la mezcalera est vieille de quelque 170 ans, et son propriétaire, José Lomelí, est conscient de n'être que le passeur d'un savoir-faire ancestral. Si son outil de production fédère la communauté rurale, il lui incombe aussi des responsabilités. Créateur de la marque Júrame, l'entrepreneur entend ainsi produire un mezcal éthique, en replaçant le paysan au cœur de son terroir.  LIRE LA SUITE
  LES JARDINIERS DU DÉSERT
Le pick-up de la mezcalera est garé au plus près des agaves pour faciliter leur récolte. Ici, l'altiplano est cultivé par les villageois qui replantent les drageons d'agaves avant qu'il ne se mette à pleuvoir. Cela assure une reproduction suffisante pour les intérêts de la communauté vis à vis d'un milieu naturel déjà soumis à l'aridité.





L'Agave salmiana pousse spontanément sur l'Altiplano potosino-zacatecano. Comme toutes les autres espèces d'agave, il meurt peu de temps après sa floraison. Ainsi, en coupant la hampe florale (quiote) lorsqu'elle se met à pousser, les paysans concentrent le taux de sucre dans le cœur de la plante qu'ils viendront récolter deux ans plus tard.


Après 10 à 14 ans de croissance, les agaves arrivent à maturité. Les desviradores coupent leurs feuilles acérées à l'aide de machettes, tandis que les tumbadores (ici au deuxième plan) détachent les cœurs de leurs racines. Autrefois récupérées pour faire des cordes, ces feuilles sont désormais laissées sur place, à l'instar du sisal supplanté par le plastique.


Un cueilleur transporte un cœur d'agave à l'aide d'une brouette. Pour manipuler ces piñas, il convient de se protéger du suc qui, à l'état naturel, est irritant pour la peau.


Les cœurs d'agave sont chargés dans le camion de la mezcalera. À maturité, un cœur pèse en moyenne 60 kg, mais certains peuvent atteindre 300 kg.
  TRANSCENDER LE SUCRE
Levés bien avant le soleil, les villageois partagent un repas de quesadillas (tortillas au fromage) autour d'un feu de camp. Ainsi reprennent-ils des forces après avoir passé plusieurs heures à découper des agaves.





Dans la mezcalera, les cœurs d'agave sont déchargés, puis jetés directement par la trappe située dans le toit d'un four.


Une citerne permet de chauffer l'eau qui sera transformée en vapeur pour cuire les cœurs d'agave, et ce pendant une semaine.


La cuisson des cœurs d'agave dure une semaine. Pendant ce temps, la porte du four en briques est fermée à l'aide de planches de bois et colmatée par des fibres d'agave séchées après broyage.


Après une semaine de cuisson, les cœurs d'agave sont devenus bruns, et de leur allure confite se dégage une puissante odeur de caramel. Ils sont sortis du four à l'aide de crocs et de fourches.
  DES EFFLUVES DE CARAMEL
Les cœurs d'agave cuits sont broyés pour en extraire le jus sucré. Cet aguamiel) est acheminé vers un bac de fermentation via une canalisation souterraine. Quant au résidu fibreux (semblable à la bagasse), il est récupéré par les paysans du village qui le donneront à manger à leur bétail.





Les cœurs d'agave sont broyés dans un premier pressoir. Deux meules en pierre sont actionnées par un moteur électrique pour extraire le suc des fibres végétales.


Les cœurs d'agave sont broyés une seconde fois dans un autre pressoir grâce à une grande meule en pierre mue par un vieux tracteur (autrefois un cheval).


Le sirop d'agave (aguamiel) est stocké pendant deux jours pour sa fermentation dans une cuve en inox abritée du soleil et de la pluie, mais largement aérée. Ce processus biologique est assuré par les bactéries ambiantes auxquelles on ajoute des levures naturelles qui font la « signature » de la mezcalera. Il sera ensuite envoyé par des canalisations vers un alambic.


Une fois fermenté, le sirop est distillé dans un alambic en cuivre. Il en ressort un liquide translucide et incolore : le mezcal, une eau-de-vie qui titre d'abord à 70 % d'alcool. Au fur et à mesure de la chauffe, le taux d'alcool diminue, permettant au maître distillateur d'atteindre les 39 à 37 % attendus. Dès lors ici, il faut compter 30 à 35 kg de cœurs d'agave pour produire 1 litre de mezcal.


Une fois distillé, le mezcal est pompé dans une cuve connectée à la station de remplissage des bouteilles. Ici, le mezcal a été préalablement élevé en fût de chêne blanc, 6 mois pendant lesquels ses arômes se sont arrondis. Ce « mezcal reposado », à la teinte jaunie par le bois, titre à 39 degrés d'alcool.


Il faut compter 30 à 35 kg de cœurs d'agave pour produire un litre de mezcal Júrame. L'étiquetage et le conditionnement des bouteilles sont entièrement faits à la main par des habitants du village d'Estación Ipiña, notamment des jeunes. Cela leur donne un coup de pouce pour financer leurs études.
Des visites et dégustations sont régulièrement organisées à la mezcalera, comme ici en compagnie de son propriétaire, José Eduardo Lomelí Robles. C'est lui et sa femme qui, à la fin des années 2000, ont décidé de racheter la distillerie connue sous le nom de La Flor. Après plus de trois décennies à l'abandon, il leur a fallu investir beaucoup de temps et d'argent pour relancer la production.





Après l'embouteillage du mezcal, José aime à partager un repas avec les jeunes qui travaillent dans l'entreprise. Ils raffolent des pizzas qu'ils ne trouvent pas au village, alors José est heureux de leur en apporter de San Luis Potosí. C'est l'occasion pour lui de tisser des liens et de les remercier.


Après sa journée de travail à l'Instituto Cervantes Apostólica, une prestigieuse école de San Lui Potosí dont il est le directeur depuis 2016, José emmène sa femme, une amie à elle et un jeune professeur de musique de son établissement pour donner des cours du soir aux enfants du village.
  UNE ENTREPRISE SOLIDAIRE
Des consultations d'ophtalmologie sont proposées bénévolement par des proches du propriétaire de la mezcalera. Des cagnottes sont régulièrement organisées dans sa sphère amicale pour financer notamment la réalisation de lunettes de vue pour les villageois. Ainsi, chaque paire de lunettes ne leur coûtera que 50 pesos (environ 2,50 euros).





Une fois par mois, des consultations médicales gratuites sont organisées au sein de la mezcalera. Ici, un médecin, ami du propriétaire, prend en charge bénévolement les villageois qui le désirent, assurant un suivi médical précieux dans ce village reculé.


Autant pour suivre les cours du soir que pour voir un médecin, les villageois sont priés de rapporter leurs déchets recyclables. Au-delà d'une sensibilisation à l'environnement, cela évite qu'ils ne soient brûlés, enterrés ou abandonnés dans la nature.
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LE PHOTOGRAPHE JEAN-FÉLIX FAYOLLE
Engagé dans la photographie sociale documentaire, Jean-Félix concentre son travail sur des personnes laissées en marge de la société, notamment dans des zones urbaines complexes en Amérique Latine, aux Philippines et en France. Suite à sa contribution à des projets d'éducation à l'image au sein de l'association Kouakilariv', il cofonde le collectif Iris Pictures. Installé à Nantes, sa région d'origine, il répond également à des commandes pour des collectivités, des entreprises, des associations et pour la presse.
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Dans les quartiers populaires de San Luis Potosí, la vie est dure et devient dangereuse. Au milieu des drogues et des armes, les adolescents grandissent en bandes pour mieux traverser la vida loca. Souvent graffeurs et tatoués, ils dansent sur la cumbia sans faire de politique. L'un d'eux deviendra pourtant député avant d'être assassiné. Ici bas, le culte de la Santa Muerte est aussi évident que celui de San Judas Tadeo, patron des causes perdues.