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L'ART DE LA TONNELLERIE DE L'ARBRE AU VIN
GIRONDE + JURA, FRANCE  •  PHOTOS © NICOLAS MATHYS / AGENCE ZEPPELIN
Au cœur des prestigieux vignobles bordelais, un métier ancestral continue de façonner l'identité des nectars locaux : la tonnellerie. Né en forêt, le bois de chêne est magnifié dans les ateliers de la famille Lasserre et sur la chaîne de production de la maison Demptos. Artisanal ou industriel, le savoir-faire du tonnelier est perpétué à chaque geste, à chaque toucher. Une école forme d'ailleurs les prochains artisans. Ainsi le respect du bois et de ses caprices façonne-t-il l'avenir sensoriel des grands vins.  LIRE LA SUITE
[Forêt domaniale de Chaux, Santans, Jura, France] Nina, garde forestière de l'Office national des forêts (ONF), prend les dimensions d'un chêne pluriséculaire. Le bois nécessaire à la fabrication des tonneaux français provient principalement de forêts gérées par l'ONF qui assure une gestion durable des forêts publiques. Soumis à des réglementations strictes, l'organisme garantit la pérennité des ressources en bois avec la pratique de coupes sélectives, le reboisement, et la protection de la biodiversité.





[Forêt domaniale de Chaux, Santans, Jura, France] Un bûcheron vient d'abattre un chêne préalablement marqué par les gardes forestiers de l'Office national des forêts (ONF). Pour la tonnellerie, on utilise principalement du chêne sessile (Quercus petraea) et du chêne pédonculé (Quercus robur). Le premier est particulièrement apprécié pour son grain fin et sa densité. Le second, moins fréquent en forêt de Santans, dispose d'une structure plus poreuse et apporte des caractéristiques légèrement différentes au vin.


[Forêt domaniale de Chaux, Santans, Jura, France] Un tracteur forestier muni d'un grappin récupère les grumes stockées le long d'un chemin d'exploitation. Chaque grume est marquée pour assurer sa traçabilité et répondre aux exigences des tonneliers et des vignerons. Les arbres sont généralement abattus en hiver ou à la fin de l'automne, lorsque la sève est basse, ce qui réduit l'humidité dans le bois et prévient les fissures. Pour cela, les tonneliers bénéficient d'une traçabilité complète du bois qu'ils achètent.
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Sogibois est une merranderie, c'est-à-dire une entreprise spécialisée dans la transformation de grumes de chêne en merrains, des planches de bois utilisées pour fabriquer les douelles des tonneaux.
[Merranderie Sogibois, Val-de-Virvée, Gironde, France] Un employé utilise une scieuse pour portionner une grume de chêne. Elle est sciée de manière radiale pour produire des merrains. Cette méthode est choisie pour maximiser la durabilité et minimiser les fuites, car in fine les merrains respecteront les fibres du bois.





[Merranderie Sogibois, Val-de-Virvée, Gironde, France] Un employé délimite le portionnement d'une grume de chêne en fonction des aspérités et des nœuds qu'elle comporte. Destinés à la tonnellerie, les merrains qui sont conçus ici sont principalement issus de forêts gérées par l'Office national des forêts (ONF) comme celles de Tronçais (Allier), Chambord (Loire-et-Cher) et Fontainebleau (Seine-et-Marne), mais aussi dans les Vosges, le Limousin, la Nièvre et le Jura.


[Merranderie Sogibois, Val-de-Virvée, Gironde, France] Les grumes à grains fins sont recherchées pour la tonnellerie. Elles permettent une micro-oxygénation régulière du vin (meilleur vieillissement). Elles ont une densité et une porosité plus uniformes (meilleures solidité et étanchéité des douelles). Une extraction plus équilibrée des tanins et des arômes du bois vers le vin est aussi possible. Enfin, elles offrent un rendu esthétique plus lisse, apprécié des tonneliers.


[Merranderie Sogibois, Val-de-Virvée, Gironde, France] Les tronçons de grumes sont fendus à la machine pour produire des merrains. Le fendage permet de suivre les fibres du bois, ce qui est essentiel pour éviter les fissures et garantir l'étanchéité des futures douelles.


[Merranderie Sogibois, Val-de-Virvée, Gironde, France] Depuis sa cabine, un employé pilote le sciage des blocs de chêne pour produire des merrains. Ce type de sciage est choisi pour maximiser la durabilité et minimiser les fuites, car il respecte le sens des fibres du bois.
[Merranderie Sogibois, Val-de-Virvée, Gironde, France] Après avoir été fendus en différents formats, les blocs de chêne sont sciés pour se rapprocher du produit final élaboré par le merrandier, les merrains, qui sont des planches rectangulaires de bois brut utilisées pour fabriquer les douelles des tonneaux.





[Merranderie Sogibois, Val-de-Virvée, Gironde, France] En bout de chaîne, des employés vérifient les dimensions des merrains bruts et l'absence de défauts. À ce stade, le bois est encore frais. Pour conserver sa qualité, il devra sécher naturellement pour se stabiliser et réduire les risques de déformation.


[Merranderie Sogibois, Val-de-Virvée, Gironde, France] Avant leur transformation en douelles, les merrains bruts sont séchés à l'air libre pendant 18 à 36 mois. Ce séchage lent permet d'éliminer les tanins verts et les substances amères du bois, et de développer les arômes spécifiques qui seront transférés au vin.
UNE FORMATION À L'ANCIENNE

L'École de tonnellerie de Bordeaux-Gironde collabore avec de nombreuses tonnelleries locales, afin que les apprentis, qu'ils soient jeunes ou en reconversion professionnelle, alternent entre apprentissage et pratique de terrain. Le jour de l'examen, les élèves auront 14 heures pour fabriquer une barrique dans son intégralité.
[École de tonnellerie de Bordeaux-Gironde, Blanquefort, Gironde, France] Un enseignant et un apprenti réalisent un jable, une petite rainure creusée à l'intérieur des douelles afin d'accueillir l'un des fonds (ou têtes) du tonneau. Cette étape est essentielle pour assurer une jointure étanche, empêchant ainsi les fuites du liquide contenu.





[École de tonnellerie de Bordeaux-Gironde, Blanquefort, Gironde, France] Deux apprentis travaillent conjointement pour assembler le cerclage en métal qu'ils viendront apposer sur une future barrique. Ce cerclage permettra de maintenir les douelles les unes contre les autres lors de la chauffe.


[École de tonnellerie de Bordeaux-Gironde, Blanquefort, Gironde, France] Un apprenti reporte sur un merrain ses mesures pour pouvoir le transformer en douelle. Il suit un plan et des cotes précises pour élaborer une barrique de 225 litres, telle que les Bordelais ont l'habitude de les concevoir.


[École de tonnellerie de Bordeaux-Gironde, Blanquefort, Gironde, France] Deux jeunes apprentis participent à l'élaboration d'une barrique. À droite, une douelle est taillée manuellement avec une plane, car les outils traditionnels permettent de ressentir et comprendre comment réagit le bois de chêne.


[École de tonnellerie de Bordeaux-Gironde, Blanquefort, Gironde, France] Un élève emploie une asse pour creuser la chantreille (ou chanfrein) à l'intérieur des douelles d'une barrique, formant un bord oblique régulier qui, à terme, sera moins susceptible de s'ébrécher ou de se fendre qu'un bord droit.
ENTRE ARTISANAT ET INDUSTRIE

La tonnellerie Lasserre est l'une des dernières entièrement familiales du Bordelais. Sise dans le Médoc, elle emploie une petite dizaine d'artisans pour fabriquer des barriques à partir de merrains de bois. Plus au sud de Bordeaux, on trouve une autre tonnellerie, beaucoup plus industrielle, celle de la maison Demptos. Créée en 1825, elle appartient au groupe TFF (Tonnellerie François Frères) depuis les années 1980. Coté sur Euronext, ce dernier est le leader mondial de sa spécialité. Il emploie près de 1 400 personnes, dont 493 en France. Un savoir-faire, deux échelles.
[Tonnellerie Lasserre, Vertheuil, Gironde, France] Un tonnelier façonne la chantreille (ou chanfrein) et le jable (ou gorge) à l'intérieur des douelles d'une nouvelle barrique. Cette étape mécanisée permettra ensuite d'insérer un fond à chaque extrémité du fût.





[Tonnellerie Lasserre, Vertheuil, Gironde, France] Trois générations posent devant l'entreprise familiale. Créée en 1903 par Elien Lasserre, cette tonnellerie est l'une des plus anciennes du Médoc. Aujourd'hui, ce sont Benjamin et Anita, la quatrième génération, qui la pilotent.


[Tonnellerie Lasserre, Vertheuil, Gironde, France] Un tonnelier assemble des douelles de bois pour former une barrique. Chaque douelle n'a, pour l'heure, pas besoin de faire la même longueur ; l'essentiel est de remplir le volume. Une douelle a une épaisseur en général de 22 ou 27 mm.


[Tonnellerie Lasserre, Vertheuil, Gironde, France] Un tonnelier s'occupe du « toastage » d'une barrique qu'il vient d'assembler. Cette chauffe est l'une des étapes cruciales dans sa fabrication. Elle consiste à exposer les différentes parois du fût aux flammes d'un brasero.


[Tonnellerie Lasserre, Vertheuil, Gironde, France] La chauffe a un rôle mécanique pour cintrer le fût, et un rôle œnologique en fonction de la chauffe et de l'origine du bois. La maîtrise des temps de chauffe et de leur intensité permet d'ajuster la palette aromatique de chaque fût.
[Tonnellerie Demptos, Saint-Caprais-de-Bordeaux, Gironde, France] Un artisan s'affaire au « toastage » d'un tonneau. Les fonds peuvent également être traités de la sorte. Ici, plusieurs dizaines de barriques subissent chaque jour cette chauffe qui, génératrice de fumées, impose aux opérateurs de se protéger avec un masque respiratoire.





[Tonnellerie Lasserre, Vertheuil, Gironde, France] François Lasserre prépare un fond (ou tête) de barrique en ajustant soigneusement les planches pour qu'elles s'emboîtent parfaitement dans le jable, une gorge circulaire creusée à l'intérieur des douelles. L'étanchéité des fonds de la barrique est essentielle pour garantir l'absence de fuite, et la bonne conservation du liquide contenu. L'étanchéité permet également d'éviter une évaporation excessive.


[École de tonnellerie de Bordeaux-Gironde, Blanquefort, Gironde, France] Des tiges de jonc sont employées pour optimiser l'étanchéité des fonds (ou têtes) de barrique. Elles sont appréciées pour leur flexibilité et leur capacité à se compresser. Du roseau peut également être utilisé, voire simplement une pâte de farine et d'eau comme mastic naturel. Dans tous les cas, ce joint est mis en place avant la mise en place du fond.


[Tonnellerie Lasserre, Vertheuil, Gironde, France] Un tonnelier façonne un fond de barrique. L'objet est classiquement de forme circulaire, avec un biseau périphérique pour s'insérer dans le jable (rainure intérieure) du fût.


[Tonnellerie Lasserre, Vertheuil, Gironde, France] Un tonnelier installe une tête de barrique qui vient d'être taillée. Il utilise un mastic composé de farine et d'eau pour contribuer à l'étanchéité entre la tête et les douelles.
AU SERVICE DES VIGNERONS
[Tonnellerie Lasserre, Vertheuil, Gironde, France] Après l'installation de la tête de barrique, le tonnelier donne des coups de marteau pour uniformiser les douelles. Il utilise également une chasse de tonnelier (ici dans sa main gauche) pour frapper et enfoncer les cercles en métal autour de la barrique à l'aide du marteau. Ici en arrière-plan, on distingue des barriques usagées dont la tonnellerie propose aussi la réparation et la rénovation. Trois ans, c'est la durée d'utilisation moyenne d'un fût pour le vin français, mais elle peut être prolongée dans d'autres domaines : bières, spiritueux, et même vins étrangers, sa durée de vie totale pouvant s'étendre de 10 à 15 ans.





[Tonnellerie Lasserre, Vertheuil, Gironde, France] Après avoir placé la barrique à plat, un artisan perce le trou de bonde au diamètre du bouchon qui sera utilisé, généralement de 50 mm. Ce bouchon peut être en bois, en plastique ou en silicone, selon les préférences et les besoins du client. Il permet de remplir la barrique, et de la fermer hermétiquement afin d'éviter les fuites.


[École de tonnellerie de Bordeaux-Gironde, Blanquefort, Gironde, France] Après l'avoir percé, un apprenti cautérise les contours d'un trou de bonde afin de garantir un ajustement parfait du bouchon. Outre le remplissage et l'échantillonnage, le trou de bonde permet, dans certaines applications, de contrôler l'aération ou de gérer les processus de fermentation.
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LE PHOTOGRAPHE NICOLAS MATHYS
Aventurier et passionné d'explorations, Mathys, comme il aime qu'on l'appelle, s'intéresse aux milieux montagneux et polaires, et ce, depuis une expédition autonome en Islande. Ces dernières années, la découverte des étendues sauvages canadiennes, où il a été formé comme « guide de plein air », lui a permis de rencontrer les populations autochtones nord-américaines : les Premières Nations. Désormais installé dans le Sud-ouest de la France, il partage son temps entre les Pyrénées, les pays bordant l'Arctique et le reste du monde.