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Déplacement officiel de S.A.S. le Prince Albert II de Monaco sur l'atoll Aldabra, situé à l'embouchure nord du canal du Mozambique. Classé site Ramsar, l'atoll répond à la Convention relative aux zones humides d'importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d'eau. Inscrite sur la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco, cette réserve naturelle stricte abrite également la plus grande population de Tortues géantes des Seychelles. |
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S.A.S le prince Albert II de Monaco clôture sa visite de l'atoll d'Aldabra par un embarquement sur l'Agulhas II, le navire océanographique affrété pour la mission « Océan Indien » par les Explorations de Monaco. |
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Le président de la République des Seychelles, Wavel Ramkalawan, réceptionne S.A.S le prince Albert II de Monaco au palais présidentiel. Le souverain monégasque, alors en visite d'État, vient de découvrir l'atoll d'Aldabra, l'un des plus extraordinaires sanctuaires marins et sous-marins au monde. |
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Sur l'atoll d'Aldabra, des scientifiques spécialistes du corail ont œuvré pendant la mission « Océan Indien » déployée en octobre-novembre 2022 par Monaco Explorations. L'occasion pour les plongeurs-chercheurs de prélever des échantillons de coraux en vue de les conserver, de les étudier, de les cultiver et même de constituer un conservatoire mondial du corail. Fortement menacés par les changements climatiques, les récifs coralliens sont en effet plus que jamais des joyaux de l'océan à protéger. 58, c'est le nombre de colonies de coraux prélevées sur l'atoll d'Aldabra, avec l'accord des autorités seychelloises, par les chercheurs et les spécialistes du corail embarqués lors de la mission « Océan Indien » orchestrée par Monaco Explorations en octobre-novembre 2022. « Cette opération marque le début d'une grande aventure menée sur le long terme, dont le but est de conserver toutes les espèces de coraux actuellement recensées dans le monde. Il s'agit d'étudier leur réponse au changement climatique et même, pourquoi pas par la suite, de pouvoir repeupler des zones dégradées », s'enthousiasme Didier Zoccola, chercheur de l'équipe physiologie-biochimie du Centre scientifique de Monaco et chef d'orchestre de cette opération internationale. Au cours de leurs 7 plongées réalisées entre le 19 et le 24 octobre 2022 sur le site unique de l'atoll d'Aldabra, l'équipe a ainsi prélevé 58 colonies de coraux vivants, n'excédant pas la taille de 15 centimètres et représentant 21 espèces. Maillon capital de l'équilibre biologique des océans, les coraux font parler d'eux. Comme un puissant écho à une actualité qui a fait la une des médias du monde entier avec l'annonce d'une nouvelle vague de blanchissement qui menace actuellement la grande barrière de corail en Australie. « Le réchauffement de l'eau des océans est sans aucun doute à l'origine de ce blanchissement », explique d'emblée Robert Calcagno, directeur général de l'Institut océanographique de Monaco en visite aux Seychelles, avant d'argumenter son propos : « Selon les rapports du Giec, une augmentation moyenne de 1,5°C de la température de surface pourrait entraîner la disparition, sinon la raréfaction de 70 à 90 % de certaines espèces de coraux ». Si les récifs coralliens ne couvrent que 0,2 % de la surface des océans, ils abritent, en effet, 30 % de sa biodiversité. Les répercussions sont donc directes sur ces écosystèmes marins emblématiques. D'où l'initiative, née et lancée à Monaco, de créer un conservatoire mondial des coraux avec comme ambition première de préserver ce patrimoine naturel exceptionnel.
L'Ambassadrice de France aux Seychelles, Olivia Berkeley-Christmann, et le Ministre seychellois de la pêche et de l'économie bleue, Jean-François Ferrari, assistaient à cette opération de déchargement, marquant une étroite collaboration scientifique entre les Seychelles, la France et Monaco quant à l'avenir des coraux, maillon capital de l'équilibre biologique des océans. Stéphane Dugast
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Inaugurée dans le cadre du projet Paréo (pour « PAtrimoine RÉcifal de l'Océan Indien entre nos mains »), l'Aire marine éducative (AME) de l'île de Curieuse est devenue la salle de classe à ciel ouvert d'écoliers des Seychelles. Un support pédagogique grandeur nature pour sensibiliser les scolaires locaux aux récifs coralliens, à leurs beautés et aux dangers qui les menacent. Un projet coordonné par l'Institut de recherche français pour le développement (IRD), en collaboration avec la Seychelles Parks and Gardens Authority (SGPA) et notamment soutenu par les Explorations de Monaco. Vendredi 28 octobre, à midi sur l'île de Curieuse, sise à quelques encablures de Praslin aux Seychelles, a lieu la présentation d'une initiative innovante d'éducation à l'environnement qui marque la naissance de l'Aire marine éducative (AME) de Curieuse. Tout sourire, les enfants de l'école de Baie Sainte-Anne à Praslin s'apprêtent à prendre la parole. Rien ne les déconcentre, pas même le ballet de tortues géantes qui déambulent près d'eux. Debout en rang d'oignon, ils sont une quinzaine, attendant que les adultes, les organisateurs, leurs maîtresses et des officiels, prennent place sur des bancs en bois, pour les écouter, eux les professeurs d'un jour. Fier comme Artaban, Keinon est le présentateur de cette cérémonie organisée en plein air. Sa camarade Shayne racontera bientôt leur projet dans le menu détail tandis que Jelissa, Anna, et Lisa présenteront les deux maquettes en carton modélisant le récif qu'ils ont étudié sur les bancs de l'école, mais également in situ lors d'une plongée en palmes-masque-tuba. Quant à Arnaud, il expliquera le QR code que lui et ses camarades ont conçu afin de prévenir les touristes de passage quant à la fragilité du récif corallien de cette île. Pilotée par l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD) – représentation de La Réunion– en collaboration avec la Seychelles Parks and Gardens Authority, soutenue aux Seychelles par la Wildlife Conservation Society et Monaco Explorations, cette initiative est le résultat d'un projet baptisé Paréo pour « Patrimoine Récifal de l'Océan Indien entre nos mains ». À l'origine de ce projet, Pascale Chabanet, chercheuse et représentante de l'IRD à La Réunion, jubile. La spécialiste en écologie des poissons récifaux voit ainsi se concrétiser à quelques mois de sa retraite un projet cher à son cœur : « J'étais trop fière d'entendre Anna me raconter ce matin qu'elle a mis en garde son grand-père qui pêchait trop près des récifs coralliens. Les messages de protection sont mieux entendus dans la bouche des enfants, et les adultes ainsi mieux sensibilisés, c'est une évidence ! ». Mission donc accomplie sur l'île de Curieuse, avec cette initiative qui a su conjuguer la transmission des connaissances scientifiques avec la découverte du milieu et des actions concrètes de conservation sur le terrain pour une douzaine d'élèves et leurs professeurs de l'école de Baie Sainte-Anne à Praslin. « Le but, c'est véritablement d'inciter les jeunes à se reconnecter à un univers proche d'eux et qu'ils ne connaissent souvent pas. Si les enfants deviennent des acteurs de la protection des récifs coralliens, les adultes doivent s'engager dans une bonne gestion de cet environnement unique. N'oublions pas que les récifs coralliens sont, aux Seychelles et sur d'autres îles de cette région du monde, un patrimoine à la fois naturel et culturel », s'enthousiasme sur place Pascale Chabanet, fière du travail accompli par les élèves et leurs professeurs. Après La Réunion, Maurice et l'île de Curieuse, le projet Paréo va bientôt se déployer dans une autre île de l'océan Indien, celle de Mohéli aux Comores. Une belle suite à cette initiative qui va permettre de sensibiliser et de mettre en réseau d'autres enfants, ainsi que des décideurs locaux et des citoyens motivés à faire progresser la conservation des récifs coralliens, qui malheureusement se dégradent sous la pression humaine. Sur l'île de Curieuse, très fréquentée par les touristes, l'aire marine éducative ainsi inaugurée laisse présager d'un avenir plus vert et bleu. Stéphane Dugast
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Lors de sa dernière journée d'escale à la capitale seychelloise, l'Agulhas II, navire-support de la mission « Océan Indien » organisée par Monaco Explorations, accueille de nombreux scolaires en provenance d'écoles de toutes les îles Seychelles, dont Perseverance Secondary School, l'école Paréo de Baie Sainte-Anne ou encore l'International School Seychelles. « Notre mission ne consiste pas seulement en un programme scientifique dense et pluridisciplinaire, il s'agit aussi pour nous de valoriser les contenus acquis durant toute cette campagne d'exploration. Des connaissances que nous aimons à partager, à vulgariser au plus grand nombre et qui sait, faire naître des vocations de scientifiques ! », explique Gilles Bessero, directeur des Explorations de Monaco et chef de la mission « Océan Indien ». |
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Bienvenue à bord de l'Agulhas II, navire-support de la campagne océanographique déployé par Monaco Explorations durant l'automne 2022 en océan Indien. Cap sur le banc de Saya de Malha, situé entre les îles Seychelles et Maurice, afin d'y explorer un vaste herbier sous-marin, un « or vert » qui pourrait se révéler fort utile à étudier, à connaître et à gérer à l'heure où le climat se dérègle un peu partout sur Terre. Saya de Malha est d'autant plus sensible que cette zone maritime est gérée conjointement par les Seychelles et Maurice, deux États tournés de fait vers l'économie bleue. Lundi 7 novembre 2022, 8 heures du matin. Toutes les planètes semblent enfin alignées. Le ciel est bleu sans un nuage, le soleil généreux, la mer peu agitée, et la houle moins prononcée que les jours précédents. Des considérations météorologiques idoines pour conduire des opérations sous-marines dans un coin de l'océan Indien peu fréquenté par les navires. Les scientifiques embarqués sont tous impatients de découvrir les premières images sous-marines de Saya de Malha, un vaste herbier sous-marin. Une impatience légitime tant les chercheurs-explorateurs n'ont vu que du bleu à perte de vue depuis une semaine. Seuls les cinq plongeurs embarqués ont pu ces deux derniers jours s'aventurer sous l'eau à la découverte de ce que certains appellent une « île invisible » tandis que d'autres préfèrent parler d'une « île submergée ». Une chose est certaine, le banc de Saya de Malha est l'un des plus grands herbiers sous-marins au monde avec ses 40 000 km², aussi vaste que la Suisse. D'origine volcanique, cet écosystème s'est formé il y a environ 65 millions d'années, et sa biodiversité est encore aujourd'hui méconnue et insuffisamment documentée. C'est d'ailleurs l'un des enjeux principaux de cette mission « Océan Indien » déployée jusqu'à fin novembre par Monaco Explorations. À bord de l'Agulhas II, navire support de cette campagne exploratoire, l'excitation est d'autant plus palpable que le ROV (Remotely Operated Vehicle), un drone sous-marin taille XXL, évolue désormais à une trentaine de mètres de profondeur et retransmet des images tournées grâce à ses caméras embarquées. Au PC de conduite du ROV, localisé dans un container installé à la poupe du navire, on fait la queue. À l'intérieur, l'ambiance est plus feutrée, mais surtout studieuse. 9 heures tapantes, les premières images du banc de Saya de Malha apparaissent sur les écrans mais déçoivent. Les fonds sont très sablonneux, parsemés ici et là de petites « patates » de corail. Au PC-ROV, Egon et Robert Laaser sont quant à eux évidemment très appliqués pour piloter leur engin capable de naviguer à des profondeurs allant jusqu'à 3 000 mètres, grâce à ses quatre propulseurs horizontaux et ses deux propulseurs verticaux. À Robert, la mission de scruter les nombreux écrans vidéo de contrôle et de communiquer par radio avec la passerelle sur ses intentions de manœuvre et la vitesse à adopter pour l'Agulhas II, idéalement à moins d'un nœud (1,8 km/h). À Egon, son frère cadet, de piloter l'engin avec en mains une manette à peine plus grosse que celle de jeux vidéo, et aux pieds, deux pédales lui servant à contrôler l'immersion et la conduite du ROV. Assise à leurs côtés, la chercheuse seychelloise Sheena Talma est aux aguets : « Nous sommes impatients de découvrir ces seagrass meadows (ou « prairies sous-marines », ndlr). Nous évoluons pour le moment à une trentaine de mètres de profondeur mais nous ne voyons rien. Les seagrass, les herbes marines, ne sont de toute façon plus très loin, c'est une question de minute ! ». Chacun semble retenir son souffle quand quelqu'un toque bruyamment à la porte du container. L'équipe allemande de tournage est impatiente de filmer et de découvrir à son tour les images de ces fonds marins. Même effervescence dans la deuxième salle de contrôle du ROV plus spacieuse. Installé comme de coutume devant ses écrans répétiteurs, Andrew Matthew, l'opérateur de Marine Solutions, ne semble guère affectionner cette effervescence. Le brouhaha est même total. Les discussions filent, en effet, bon train entre chercheurs, les uns parlant en français, les autres en anglais.
À l'heure des constats alarmistes, cette étude sur les grandes prairies sous-marines et leur potentiel incite à l'optimisme d'autant que pour ce qui concerne « l'île invisible », le site a été non seulement inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco (sous réserve des critères d'identification nécessaires) mais il a fait également l'objet d'une gestion conjointe par les républiques de Maurice et des Seychelles, deux États insulaires qui détiennent chacun le plateau continental faisant de ce lieu un laboratoire incontestable pour le futur traité concernant la protection de la biodiversité située au-delà des juridictions nationales et des zones économiques exclusives (ZEE). Des atouts de taille pour le banc de Saya de Malha finalement peu exploré à l'exception de quelques campagnes océanographiques, dont une emblématique au début des années 1960, une autre soviétique en 1988 et une plus récente en 2021 avec l'ONG Greenpeace. Des constats et un historique dont se moquent pour le moment éperdument les chercheurs embarqués à bord de l'Agulhas II, trop affairés à penser à la suite des opérations. Midi, le ROV ne va pas tarder à être remonté sur le pont arrière du navire, le temps de récupérer les caméras et de stocker des gigas-octets d'images dans les disques durs avant de réaliser un deuxième transect (ligne imaginaire qui traverse un espace afin d'en étudier les composantes paysagères, ndlr), puis un troisième : « Nous envisagions quatre transects aujourd'hui. Mais entre ce que l'on projette sur le papier et le vécu sur le terrain, il y a toujours un écart et j'ai dû arbitrer. Qu'importe, tous les scientifiques, 80 au total, sont en ce moment sur le pont nuit et jour pour multiplier les récoltes, les tris et le classement des spécimens », précise enthousiaste Francis Marsac, représentant de l'IRD aux Seychelles, océanographe et halieute, expert des pêches thonières de l'océan Indien et des questions environnementales, chargé pour cette campagne exploratoire de coordonner toutes les opérations scientifiques. À l'issue de ces 3 transects du jour, longs au total de 8 miles nautiques (13 kilomètres environ), il a été décidé d'envoyer l'équipe des plongeurs constitués de 5 hommes et femmes-grenouilles, 2 pilotes d'embarcation et 2 volontaires afin d'aider à la collecte des échantillons quand ils remontent en surface. Si ROV, chaluts, dragues et filets couvrent davantage de surface, les plongeurs à l'œil aguerri permettent de collecter des spécimens vivants in situ de façon plus ciblée, comme l'explique Line Le Gall, professeure au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), directrice des explorations scientifiques au MNHN et cheffe de mission des plongées hyperbares durant la campagne d'exploration « Océan Indien » organisée par Monaco Explorations : « La plongée scientifique permet d'aider à décrire les caractéristiques des fonds marins de façon plus fine. Car sous l'eau, nous réalisons des prélèvements par brossage ou par succion avec un aspirateur. C'est certes un travail de fourmis mais cela permet de collecter des organismes très petits, essentiels dans la chaîne alimentaire des océans par exemple ». Une utilité vérifiable après chaque plongée-récolte dans les laboratoires embarqués du navire. Dès leur arrivée à bord, les spécimens récoltés sont triés parfois au tamis et classés par groupe à l'œil nu puis à la loupe binoculaire avant d'être soigneusement conservés dans des boîtes ou des tubes plastiques de différentes tailles en fonction de leur morphologie. Traités à l'alcool ou séchés sur des herbiers pour les algues, ces spécimens sont ainsi savamment classés avant d'être étudiés dans les prochains mois dans des laboratoires à terre. Une opération minutieuse qui requiert les compétences taxonomiques de chaque chercheur et plongeur embarqué. Si Mariette Dine, du Ministère des pêches et de l'économie bleue aux Seychelles, se concentre sur les algues, Benoît Gouillieux, spécialiste des amphipodes à l'université de Bordeaux, s'applique à trier et classer les animaux de petite taille. Non loin de lui, le professeur bientôt émérite Philippe Bouchet est quant à lui sans cesse consulté tant il est le spécialiste incontesté des mollusques. Figure du MNHN, le chercheur sexagénaire a réalisé en près de 40 ans de carrière de nombreuses campagnes océanographiques partout dans le monde. Si les sciences sont ici en effervescence, les arts ne sont pas en reste grâce à la présence assidue dans les laboratoires des deux artistes en résidence à bord. Élise Rigot et Rémy Leroi affectionnent chacun à leur manière ces récoltes tant les matières, les couleurs et les morphologies les étonnent et les inspirent. Un travail artistique qui fait indéniablement écho à celui des artistes-illustrateurs d'antan embarqués sur les voiliers d'exploration comme Louis Tinayre (1861-1942) qui réalisa de nombreux dessins sur le motif pour le prince Albert Ier de Monaco lors de ses campagnes scientifiques au Spitzberg réalisées au début du XXème siècle. Bientôt minuit à bord du navire d'exploration, une douzaine de chercheurs continuent de s'activer dans les laboratoires pour continuer à réaliser des tris et des classements tandis que les 5 chercheurs-plongeurs stoppent là leurs travaux. Un temps de repos s'impose à eux avant une prochaine journée encore chargée : leur prochaine plongée est programmée à 7 heures le lendemain, et leur réveil à 6 heures. Toute la nuit, le pont n°3 et ses labos voisins seront ainsi assidûment fréquentés d'autant que seront déployés le chalut, la drague, le traîneau (pour glisser au fond de l'eau), la bathysonde, les filets remorqués de type manta (à la surface), ou encore le filet Bongo (jusqu'à 200 mètres de profondeur). Chaque heure compte lors d'une campagne océanographique d'autant que le mauvais temps ou des pannes mécaniques peuvent jouer des sales tours. De la centaine de gens embarqués sur l'Agulhas II, ils ne seront donc qu'une poignée à avoir le temps d'aller contempler la pleine lune au pont n°9 situé juste au-dessus de la passerelle de navigation. Des instants de contemplation qui rendent forcément philosophe et rêveur d'autant que sous l'étrave du navire d'exploration dort de l'or vert, un herbier sous-marin vaste comme la Suisse qui serait un formidable puits de carbone. Et dire que l'île invisible n' a encore livré ses secrets qu'au compte-gouttes… Stéphane Dugast
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Environ 350 espèces de mollusques sont inventoriées, 300 espèces de crustacés et 100 espèces d'algues sont ramenées à bord, triées et examinées à la loupe binoculaire. D'ores et déjà trois spécimens de gastéropodes et un crustacé sont considérés comme des espèces nouvelles, c'est-à-dire jamais décrites par les taxonomistes. Deux espèces emblématiques, le gastéropode Conus primus et le bénitier Tridacna rosewateri, sont « re-découvertes » sur le site de Saya de Malha. Une « moisson » de spécimens qui va occuper les spécialistes pendant les cinq années à venir compte tenu de l'ampleur de cette mission océanographique. |
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La bathysonde CTD (Conductivity Temperature Depth) est emblématique des campagnes océanographiques modernes. Cet outil permet d'acquérir des données physiques et chimiques le long d'une colonne d'eau allant de la surface jusqu'à 4000 mètres de profondeur. |
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Lancé en 2016, le programme BGC-Argo (IMEV) vise la mise en place d'un réseau de 1 000 flotteurs-profileurs nouvelle génération mesurant six variables additionnelles, mais essentielles à la compréhension des processus bio-géochimiques. À savoir : les concentrations de la chlorophylle, des particules en suspension, de l'oxygène dissous et du nitrate, le pH et l'éclairement sous-marin. Ils complètent la flotte de 3 000 flotteurs-profiteurs qui dérivent déjà dans l'océan. |
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Le projet 4Sea (Ifremer) vise à démêler les impacts combinés des activités humaines sur les côtes, et du changement climatique sur les écosystèmes marins de l'ouest de l'océan Indien. Il propose de réduire le coût de l'acquisition de données scientifiques pour les pays ne disposant pas d'une flotte de navires océanographiques. Une science low-cost d'autant plus indispensable que les États insulaires sont fortement impactés par le changement climatique. La biodiversité et les habitats des écosystèmes côtiers diminuent constamment tandis que la croissance démographique se concentre sur les littoraux, avec désormais 8 personnes sur 10 qui habitent à moins de 100 kilomètres de la côte. |
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Collecter et étudier les microplastiques en haute mer, tel est l'objectif phare de Madcaps, un projet de recherche scientifique déployé dans le cadre de la mission « Océan Indien » orchestrée par Monaco Explorations en octobre et novembre 2022. Un sujet à forts enjeux tant la pollution dans nos océans, combinée aux effets du réchauffement climatique, serait dramatique pour les récifs coralliens. 17 heures bientôt tapantes, plage avant de l'Agulhas II. Le navire océanographique a ralenti sa course à 2 nœuds (moins de 4 km/h). Biologiste marin et cheffe de la mission Madcaps, Gwennaïs Fustemberg est sur le qui-vive. Son acolyte, Vyctoria Marillac, n'est toujours pas là. Elle va devoir faire sans elle les manipulations préparatoires, à commencer par établir le point GPS correspondant à l'envoi du filet manta. Son lancement depuis le bord est, en effet, imminent. Fabriqué à partir d'un tissu spécial, à mailles calibrées très fines (500 microns), le filet de type manta est composé de deux grandes ailes placées de part et d'autre de la « bouche » du filet afin de le maintenir ouvert pendant le trait, lui donnant la forme d'une raie Manta (d'où son nom). Une configuration qui lui permet de collecter les microparticules de plastique flottant en surface, comme l'assure Gwen rassurée par l'arrivé de Vyctoria qui débarque juste à temps pour saisir les autres données, dont celles du débitmètre servant à évaluer la quantité d'eau qui va passer dans le filet. Un moment de répit qui permet à la cheffe de mission de se faire plus prolixe : « Avec ses deux ailes l'aidant à surfer sur les vagues, le filet manta flotte sur l'eau la « gueule » ouverte afin de récupérer les microplastiques qui passent ensuite le long du filet et se retrouvent, en bout de course, piégés dans un collecteur ». L'opération est désormais routinière sur l'Agulhas II car elle est, ce jour-là, la quarantième (sur une grosse soixantaine de mises à l'eau prévues) du projet Madcaps (MicroplAstics anD CorAls PathogenS) déployée depuis le début de la campagne océanographique « Océan Indien » organisée par Monaco Explorations durant l'automne 2022. 17h30, le filet manta, la « gueule ouverte » 30 minutes durant, a comme prévu fait office d'aspirateur. « Ces petits plastiques collectés ne sont pas des bonnes nouvelles pour la vie marine. Ne seraient-ils pas d'ailleurs porteurs de pathogènes coralliens ? C'est pour le savoir que nous avons embarquées sur l'Agulhas II et que nous multiplions les coups de filet », précise Gwen tandis que Vyc rejoint de son côté les marins du bord, sans qui chacune de ces manœuvres ne pourrait s'effectuer. Gwen peut de nouveau souffler. L'occasion rêvée de parler avec elle du projet Madcaps : « Pour nous, l'objectif, c'est bien d'abord d'étudier la distribution spatiale des microplastiques dans l'océan Indien, microplastiques qui se déplacent en fonction des courants océaniques de surface. Nous analysons ensuite les micro-organismes qui se développent sur ces plastiques car ils peuvent transporter des maladies coralliennes. Un domaine de recherche encore largement inexploré ». Associant plusieurs organismes scientifiques et associations, dont l'UMR Entropie à l'Université de La Réunion, l'IRD Marseille, les associations The Ocean Cleanup et Best Run, le projet Madcaps fait partie intégrante d'un programme plus global, le Marine Litter Monitoring, porté par la Western Indian Ocean Marine Science Association (WIOMSA) dont les activités cadrent parfaitement avec la Convention de Nairobi (protection et gestion de l'environnement marin en Afrique de l'Est, ndlr). Le projet international Marine Litter Monitoring consiste, en effet, à réaliser et à appliquer un programme de suivi des déchets marins côtiers dans sept pays du sud-ouest de l'océan Indien : la Tanzanie, les Seychelles, Maurice, le Mozambique, l'Afrique du Sud, le Kenya et Madagascar. 18 heures, pont n°3 dans les laboratoires de l'Agulhas II, Chloé est impatiente de récolter ce premier trait. D'humeur toujours joviale, l'illustratrice embarquée de Madcaps a troqué ce soir ses pinceaux et son carnet contre une pince et une coupelle, le temps d'aider ses deux « associées » à analyser la récolte du jour : « Elle est bonne si j'ose dire ! Il y a plein de couleurs, de formes et des morceaux plus gros que d'habitude. Il y a aussi des halobates, ces petits insectes qui ont élu domicile sur ces microplastiques. D'un point de vue graphique, c'est très riche et très coloré. Je m'en réjouis comme illustratrice, mais je m'en désole comme citoyenne tant la présence de ces microplastiques est néfaste pour les océans ! ». Lorsqu'elle n'est pas d'opération de tri, Chloé est chargée de réaliser un journal de bord à l'aquarelle sous forme de BD afin de retracer la participation du projet Madcaps à la mission « Océan Indien ». Si les activités quotidiennes de Gwen et de Vyc l'intéressent en premier lieu, la vie du bord et les autres projets scientifiques la captivent désormais : « C'est mon premier embarquement et ma première mission de ce genre, je suis une éponge tant chaque opération est fascinante. Et puis, cette campagne concentre en un même lieu des gens avec des compétences et un vécu incroyable ». Quant à son journal de bord dessiné, il sera à leur retour à terre édité et diffusé auprès des différents partenaires académiques du projet Madcaps, dont le collège Lucet Langenier à Sainte-Suzanne (La Réunion). « Acquérir des connaissances sur la pollution plastique dans les eaux de surface du sud-ouest de l'océan Indien est essentiel, mais il est également important de pouvoir transmettre nos connaissances de manière pédagogique et ludique ! », assure de son côté Vyc, très enthousiaste à l'idée de parler de leur expédition dans l'océan Indien le lendemain après-midi, par Internet interposé, à une classe d'élèves réunionnais. « Collecter, traiter et analyser ces microplastiques, c'est non seulement établir un état des lieux précis de cette problématique mais c'est aussi donner à terme de nouvelles perspectives dans les domaines de la biologie, de la médecine et de l'écologie. Les interactions entre l'océan et la santé sont, en effet, complexes et encore largement inexplorées », conclut Gwen désormais pressée d'aller dîner sur le pouce et d'enchaîner par le briefing du jour afin de négocier avec Gilles Bessero, le chef d'expédition, un nouveau créneau pour son filet manta tant la récolte du jour en microplastiques s'est révélée instructive. Les sciences embarquées demandent de la réactivité, de l'énergie et de l'enthousiasme. Des qualités dont Gwen, Vyc et Chloé ne manquent pas, d'autant que de nouvelles zones maritimes vierges seront bientôt à prospecter du côté de Saint Brandon, un archipel formé d'une cinquantaine d'îles, toutes singulières et protégées par un incroyable récif corallien en forme d'arc couvrant 280 km². Un nouveau sanctuaire de la Nature à observer à coup de filets… manta pour évaluer la menace plastique et son impact sur la biodiversité marine. Une mission qui tient à cœur de l'équipe Madcaps embarquée, et à celle à terre chargée ces prochains mois d'étudier les micro-organismes qui vivent sur ces plastiques. L'exploration ne fait donc que commencer. Stéphane Dugast
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réalisation : Stéphane Dugast
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